Restos / Bars

Le Gwalarn : Gardien de far

La salle à manger, rafraîchie, reste fidèle à ses tons de rose et de bleu, conférant à l’endroit un petit air familial. On vous sert ici de délicieuses crêpes bretonnes souples, diversement garnies, des raclettes variées et un choix de spécialités maison, dont un inimitable far breton.

Une tapisserie fleurie couvre une large partie des murs. De hautes fenêtres à grands carreaux, de courts rideaux blancs ajourés, des tableaux diversement inspirés, tout cela compose un décor confortable qu’on appréciera davantage encore lorsque les proprios auront eu la bonne idée de remplacer ces chaises métalliques qui détonnent on ne peut plus. À ma droite, à la hauteur des yeux, une marine de Michèle Blais évoque Havre-Saint-Pierre – et conditionne mon choix sans que je le sache encore. Je commande d’emblée un verre de Colombard, vin blanc de la collection privée du Gwalarn. La jeune serveuse qui nous a accueillis précise que ce ne sera pas un verre, mais un "ballon". Je pense "Ah!" mais ne dis rien. C’est toutefois un verre pareil à tous les autres qu’elle m’apporte un peu plus tard, en même temps que le Lillet choisi en apéro par mon invitée. Mes questions concernant son "ballon" me valent une explication alambiquée à laquelle je ne comprends fichtre rien. La carte, qui ne semble pas avoir changé, réserve tout de même son lot de surprises en raison des nombreuses combinaisons qu’elle suggère. Nous nous attardons peu aux repas légers (croissant au fromage, quiche aux poireaux, etc.), aux plats de foie de veau, aux papillons de porc poêlés, spaghetti du Gwalarn, fettucine aux fruits de mer, escalope de veau, lapin sauce dijonnaise, filet de merlu sauce aurore… Une entrée? Certainement, puisque mon invitée veut goûter l’oeuf à la russe sans devoir le commander, pensant déjà à réserver une petite place pour le dessert. J’opterais bien, moi, pour les escargots au calvados, mais passons… En ce qui concerne son plat de résistance, la question ne se pose pas; ce sera une raclette. Quant à savoir laquelle! Peut-être la végé, qui sait! Ou à la charcuterie (jambon Forêt-Noire). Celle de la mer la tente aussi (saumon fumé et crevettes), autant que celle du terroir, au gibier fumé (saucisse de canard). Elle se décide enfin pour une moitié-moitié. En ce qui me concerne, ce sera un "délice breton" – mais non, pas la végé. Mon oeuf à la russe s’amène donc dans sa petite assiette, habillée d’une délicieuse mayonnaise maison généreusement cloutée de caviar noir. Un délice. Je me redis, peut-être? La jeune serveuse arrive peu après pour desservir. Elle met de côté mes ustensiles en déclarant que cela ira mieux pour manger ce qui s’en vient. Je me dis "reste calme" et lui fait remarquer qu’il faudra au moins les essuyer. Elle saisit d’emblée et les emporte en annonçant qu’elle m’en apportera d’autres. À la bonne heure! Quand elle revient, c’est pour m’annoncer le potage, en l’occurrence une crème florentine. Je décline l’offre. "C’est inclus", dit-elle. Que répondre à pareille maladresse? Je laisse encore passer… Elle installe bientôt le nécessaire à raclette, s’en va un moment et revient avec les victuailles. Et là, elle entreprend d’expliquer à mon invitée comment on mange une raclette! Je me retiens d’intervenir, surtout que ma compagne écoute patiemment en retenant une furieuse envie de rire. Le bouquet? "Et ça, conclut la jeune personne, c’est une poudre spéciale pour rehausser le goût du fromage." Mon invitée et moi goûtons à cette "poudre spéciale": de la muscade! "Elle nous prend pour qui?" je demande. "Elle manque d’expérience, voilà tout", concède mon invitée. La contrariété n’altère pas toujours le goût des aliments, Dieu soit loué. Je me régale donc de mon "délice breton de la mer": crêpe souple refermée sur une abondance de crevettes et de petits pétoncles liés d’une sauce au vin blanc et aux herbes. "As-tu mis de la poudre spéciale?" C’est ce que nous nous demandons de temps à autre, mon invitée et moi, vu que je l’aide à venir à bout de son abondante raclette. Elle s’aide aussi elle-même de vin rouge. Son sourire de satisfaction s’accentue au moment de la sucrerie finale. Après toutes les tergiversations rituelles, elle flanche pour un far breton. Comme je déclinais l’offre d’un dessert, la même personne m’a encore annoncé: "C’est inclus…" Disons que c’est un tic verbal et n’en parlons plus.

Café-terrasse Le Gwalarn
1480, rue Provancher
Cap-Rouge (Québec)
Téléphone: (418) 653-4029
Repas légers à partir de 3,95 $
Tables d’hôte: 18,95 à 26,95 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 54,87 $