Ceux qui ont bonne mémoire se rappelleront les deux restaurants mexicains qui se sont succédé dans la rue Saint-Jean à quelques années d’intervalle. Ni l’un ni l’autre n’avait fait de vieux os, car c’était bien avant que la mode tex-mex ne popularise tacos, nachos et fajitas. Et cette année, presque coup sur coup, deux autres voient le jour: celui dont j’ai déjà parlé, il n’y a pas si longtemps, et celui où nous nous présentons ce soir, mon amie et moi, animés d’une curiosité sans illusions. La carte affichée à l’entrée me fait dire tout bas: "S’ils tiennent leurs promesses, j’en connais qui devront bien se tenir!" Prenez le ceviche (ou cebiche), par exemple… Mais j’anticipe. N’ayant jamais fréquenté l’établissement qui occupa précédemment ce local, j’ignore si le décor a changé ou non. Il me plaît comme je le découvre, avec ses larges pans de tapisserie à motifs géométriques – portugais? -, ses masques et ses tableaux, son drapeau mexicain mollement tendu sur le mur rouge du fond et son dieffenbachia qui se dédouble en douce dans un pot, en bordure de la fenêtre. Les haut-parleurs diffusent du mariachi des grandes occasions. C’est peu après, au son d’une salsa, que nous discutons un peu cuisine avec notre serveur. Elle nous rend bavards, cette carte qui ne l’est pas elle-même: sopa de tortilla, arrachera à la parrilla (bavette de boeuf à la mexicaine), pozole rojo, tostada de pollo, enchiladas verdes, pescado Tikin-Xic… Sous la page détaillant la table d’hôte, mon amie en découvre d’autres, glissées entre deux feuilles de plastique: plato fiesta (combiné de sopes, guacamole, tostadas, etc.), saumon fumé sauté à l’ail, demi-poulet grillé au chipotle, mixiote d’agneau, chiles rellenos au chèvre et raisins, salade de cactus, tomates et fromage, salade de raisins à la vanille et palmitos – pour ne citer que ceux-là. Ce sont les plats à venir – l’artillerie lourde, quoi! Toutefois, dès maintenant, si vous en faites la demande d’avance, on vous préparera volontiers un mole ou même une salade de nopal – cette cactée qui produit les figues de Barbarie. Ainsi, avant même de manger, nous parlons de revenir. Nous nous sentons en confiance, quoi! Et le premier mets qu’on m’apporte nous donne raison: un ceviche Acapulco. Il se présente dans une coupe décorée de tranches d’orange et de citron. Une branche d’asperge émerge d’une brunoise courte (tomates, oignons, céleri) agrémentée de coriandre fraîche. On y pêche à la petite cuiller des crevettes imprégnées d’une marinade parfaite, assaisonnées sans excès d’aromates ou d’acidité. Tout cela, bien relevé, s’épanouit dans la bouche comme une fleur aux nombreux parfums dont les pétales se multiplieraient à l’infini… En accompagnement, j’ai droit à un bol de guacamole qui s’avère plus tempéré, mais tout aussi savoureux. "On a bien fait de venir", commente simplement mon amie en m’offrant de trinquer une nouvelle fois à la Corona. Sa réflexion s’applique aussi à sa tostada de pollo – large tortilla tapissée de haricots noirs, poulet, cubes d’avocat, tomates, laitue et fromage – qu’elle arrose copieusement d’une sauce pimentée servie à part. Il fait chaud, il fait bon. On nous apporte ensuite deux bols de terre cuite glacée: la sopa de tortilla, limpide, brûlante, garnie de cubes d’avocats, de brins de fromage et de tortillas en morceaux. Simple et bonne. Je me fais violence pour ne pas la terminer, car il me reste déjà peu de place pour le pescado Tikin-Xic. Il s’agit d’une authentique recette du Yucatán. Elle se prépare d’habitude avec du poisson blanc, mais on me la sert au saumon. Mes appréhensions s’envolent à la première bouchée. Pour s’imprégner d’autant d’arômes, ce saumon a dû cuire lentement, emmitouflé d’épices, après un marinage adéquat. La garniture est composée d’un riz goûteux (que certains trouveront peut-être un peu trop cuit) et d’une salade combinant feuilles de chêne, laitue frisée, dés d’oignons et de tomates. Des moules bien ouvertes s’érigent autour de l’assiette. Ma compagne, elle, se régale d’un pozole rojo, sorte de soupe-repas tomatée des plus consistantes, au maïs et au poulet. Elle l’accommode à son goût de laitue, d’oignons en dés, de radis et de crème sure présentés à part. J’en mange un peu aussi, pour me faire plaisir. Et je me ferai encore plaisir en prélevant quelques cuillerées du flan au kahlúa dont mon amie conclut notre souper en beauté.
Bistro Caramba!
1155, rue de la Chevrotière
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 523-9191
Menu du jour à partir de 7,95 $
Table d’hôte: 17,50 à 19,50 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 57,25 $