Restos / Bars

Le Bourlingueur : Un Français errant

Un grand auteur de l’Hexagone avait déjà dit de la cuisine alsacienne que c’était la seule cuisine allemande digeste et  savoureuse.

Un grand auteur de l’Hexagone avait déjà dit de la cuisine alsacienne que c’était la seule cuisine allemande digeste et savoureuse. En traversant le Rhin, elle aurait trouvé finesse et originalité. Pour peu qu’on la connaisse, à part la choucroute et le kugelhopf, elle est l’une des plus succulentes du pays. C’est une cuisine de pays froid et humide, faite de lard et de beurre, de saucisson, d’oie et de légumes de terre. Raison de plus de la retrouver à nos menus.

Les patrons du Bourlingueur dans le Vieux sont justement alsaciens. Une fois l’an, ils font donc le compromis de présenter quelques spécialités de cette cuisine régionale sur une petite carte qu’ils s’empressent presque de faire disparaître le reste de l’année au profit d’une carte de plats standards. Car ce Bourlingueur qui semble surtout s’attirer une faune de touristes devrait essayer d’émoustiller la curiosité des locaux. Décoré comme une bonbonnière de campagne, ce mignon bistro, installé dans une vieille maison aux murs de pierres grises, possède de grandes fenêtres s’ouvrant sur l’une des plus belles perspectives du vieux quartier. Sans verser dans le winstub, les deux salles qui le composent prennent un petit air cossu et feutré tout à fait charmant et romantique.

Au menu: une tarte à l’oignon assez délicieuse, un genre de quiche un peu croustillante gavée d’oeufs, de lardons et de crème, qui se laisse manger et qui raffermit les flancs lorsque "la bise est venue". Nous lui pardonnons d’être un petit peu molle côté croûte, mais le passage au micro-ondes ne convient pas aux pâtes. La soupe qui suit est aux poireaux et rappelle celle des vendangeurs – sans les morceaux de saucisson – et manque d’un peu de sel bien que le goût des légumes soit bien franc. On propose aussi une salade verte qui aurait pu être remplacée par une vraie salade alsacienne de pommes de terre ou de betteraves, par exemple.

En plat, nous préférons le civet de sanglier au poulet au riesling ou au saumon, civet dont la sauce au vin rouge est riche en goût terreux et parfumée. La viande est assez raide malgré le long braisage, mais ne perd pas de qualité pour autant. On sert ce plat avec des spaetzle appétissants. Toutefois, c’est surtout par la choucroute garnie que l’on juge la qualité d’une table alsacienne: celle que l’on offre ici n’est pas du meilleur cru malgré sa garniture de knackwurst, de saucisse dijonnaise douce, de poitrine, de lard fumée. On apporte aussi sur la table des pommes de terre bouillies. Il manque cependant le coup d’oeil généreux, et le chou lui-même manque d’acidité et de parfum. En douceur, une poire pochée au vin est banale et n’a aucun goût; quant au kugelhof glacé, il n’offre rien d’autre qu’une forme intéressante. Lorsqu’on sait que le marché regorge de fruits frais en ce moment, et que les possibilités de douceurs alsaciennes sont multiples, on se demande pourquoi on se contente ici de prendre des raccourcis. Sans être insignifiant, ce petit bistro tourne parfois les coins un peu ronds; il devrait plutôt rajuster le tir et profiter de la curiosité pour la cuisine régionale française. Qui va croissante. Comptez environ 55 $ pour deux repas incluant les taxes et le service, ce qui est tout de même très raisonnable.

Le Bourlingueur
363, rue Saint-François-Xavier
Tél.: 845-3646

POP CULTURE
Il est installé là, dans le quartier ouvrier de Saint-Henri, depuis le début du siècle. Sans doute le Restaurant Émile Bertrand subvenait-il aux appétits des ouvriers des usines environnantes, lesquelles se transforment toutes peu à peu en condos élégants (avec vue sur le fleuve) ou en studios d’enregistrement. Les ouvriers ont été remplacés par une faune d’étudiants, de travailleurs de la construction et de quelques nostalgiques de cette cuisine de cantine, qu’on trouvait autrefois partout. Menu: hot-dogs, hamburgers et frites bien grasses. Prix: dérisoire. Un repas composé d’un "steamé" (et complètement dressé), d’une frite et d’un coca revient à 3,39 $. C’est peut-être le resto le moins cher en ville. Bon, question de valeurs nutritives, de goût et pour toutes ces considérations de notre âge moderne, soyons francs, ça ne vaut pas grand-chose. Un rot, beaucoup de matières grasses, et un feeling de satiété rapide… qui nécessitera une sieste impérieuse. C’est que digérer ça, c’est tout un exercice. Cela dit, ce resto d’un autre âge, qui n’a pas changé d’un iota depuis 100 ans, offre au moins un produit qui ne manque pas d’intérêt et qui, en plus d’être assez amusant, facilite le passage dans l’estomac de cette tambouille insignifiante. Je parle de la bière d’épinette, dont je ne sais pas si elle est réellement "faite maison" comme l’annonce la patronne qui sert ses roteux à la chaîne, et si elle est "faite d’essence naturelle d’épinette"; mais cette boisson se présente dans une bouteille sympa (celle d’avant les capsules en métal) et se laisse boire en douceur. En tout cas pour accompagner cette bouffe infantile, rien de mieux que de la "liqueur" de gamin des années 50. Vraiment pas cher!

Restaurant Émile Bertrand
1308, rue Notre-Dame Ouest
Tél.: 935-0178