Mis à part le nom et l’essentiel de la décoration, ce restaurant n’a rien à voir avec celui qui l’a précédé entre ces quatre murs. En entrant, on débouche à proximité des cuisines où s’affaire le chef. Il ne manque pas de lever la tête pour vous lancer un "bonsoir" souriant. Tout de suite (en tout cas, aussi vite que possible), quelqu’un d’autre vous prend en charge et vous place. Ainsi, ce soir, nous nous retrouvons à la même table que la dernière fois, dans une section surélevée de la salle à manger: nous avions pris là un copieux petit déjeuner égayé de fruits frais et colorés. Affichettes et tableaux rappellent les origines alsaciennes du maître de céans. Poteries alsaciennes, fleurs séchées et bouteilles vides se nichent dans des caissons de bois fixés aux murs. L’affiche de Martigues trône encore tout au fond de la pièce. Près de nous, deux bambins déguisés pour l’Halloween amusent la tablée familiale – et nous amusent aussi, mon amie et moi. D’ailleurs, nous prenons bientôt quelques petites parts à la conversation, nous laissant vanter les mérites de cette cuisine qui embaume tout le restaurant. Couscous, cassoulet toulousain, choucroute, quenelle de brochet… ces mots reviennent comme un leitmotiv. Nous y prêtons l’oreille, les yeux tour à tour sollicités par les assiettes qui passent et par les détails de la carte: tartes flambées, boudin noir, longe d’agneau, waterzoi de pintade, ris de veau aux crevettes, chaudrée gaspésienne, soupe lyonnaise gratinée… À mon verre de vin blanc maison, mon amie réplique par une Stella Artois: "Ça fera du bien à ma choucroute", dit-elle. En entrée, j’ai choisi une tarte à l’oignon à l’alsacienne. Ça, une entrée? J’en connais qui s’en feraient un repas. Énorme, la pointe. Épaisse aussi. Je la trouve très bonne. "Excellent, tu veux dire?" Mon amie, qui n’a jamais beaucoup fricoté avec les oignons, s’en tape une bonne part. Puis elle récidive, commentant pour moi ses impressions: la texture d’une crème, un goût comme on n’a jamais osé demander, les oignons coupés si finement qu’ils s’évanouissent dans la bouche comme ces souvenirs qu’on aime remâcher… Ce qui devait arriver arriva. Sa choucroute, bien sûr, mais plus précisément son cri du coeur: "Ben… je s’rai jamais capable!" Imaginez le colossal pour en avoir une idée: une grosse montbéliard, une bratwurst d’égale corpulence, une autre saucisse longue que je n’identifie pas, une pomme de terre en bonne santé, cuite au four, des spätzles à profusion… et sans doute autre chose encore que j’oublie. Bref, elle déclare forfait après en avoir mangé le tiers. Elle ne s’arrête qu’à regret. La tablée voisine lui suggère en choeur le doggie bag. Elle opte. Je n’arrive pas non plus à terminer mes raviolis de caribou sauce grand-veneur. Ils ne manquent ni de saveur ni de finesse, loin de là. "C’est vraiment trop, hein?" À qui le dit-elle! Et quand on nous propose malgré tout le dessert, je réponds simplement: "Nous reviendrons."
La Folie des saveurs
935, avenue Bourlamaque
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 648-9888
Menu du jour: 7,95 à 12,95 $
Table d’hôte: 14,95 à 25,95 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 57,05 $
Festin sauvage
L’Astral donnait tout récemment le coup d’envoi à son festival du gibier – gros ou petit, à poils ou à plumes -, véritable festin sauvage qui se poursuivra jusqu’à la mi-décembre. Nous étions une quinzaine d’invités à prendre d’abord le cocktail et deux ou trois bouchées à la Galerie Tapas Bar, le temps de quelques airs de jazz interprétés par le trio Moon Shadow (Christine Boillat, Jack Peaker et Denis Taschereau). Le piano de Clément Robichaud nous accueille un peu plus tard dans la salle à manger et nos conversations, un instant interrompues, reprennent de plus belle, s’égarant dans tous les azimuts: boulot des uns et des autres, voyages et chiffres d’affaires, vacances et, bien sûr, cette vue fascinante et vertigineuse sur Québec, dont on ne se lasse pas… C’est bientôt l’arrivée des premiers plats, en l’occurrence un tartare d’autruche aux poivrons séchés et basilic frit, largement souligné d’une réduction de vinaigre balsamique et décoré d’endives, de nouilles frites et de fleurs comestibles. À ma table, nous nous regardons tous après la première bouchée. Rien que des visages heureux! L’entrée s’avère en effet très réussie, bien équilibrée en ce qui concerne l’assaisonnement de base et suffisamment relevée pour vous exciter progressivement les papilles. Si bien que nos assiettes se vident à une vitesse que la faim ne peut seule justifier. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises: la crème de cresson au céleri-rave et canard fumé nous porte à nous redire. Les plus sages en mangent peu, en prévision de ce qui doit suivre – et que le menu nous annonce en termes de "Suprême d’oie de Baie du Febvre en éventail et son foie gras, compote de canneberges à la sève d’érable". La présentation en est aussi jolie que le libellé. Concrètement? Une belle harmonie de goûts, un mariage de… déraison, car ceux qui se promettaient d’être raisonnables reportent toute résolution à une date ultérieure. Avant le Tawny final, nous avons droit à un tourbillon de "chocolat latté" coiffé d’un chapeau de sorcière (ou bien d’un sombrero?) en chocolat noir.