Appétit et bonne humeur pour viatique, nous ne demandions certes pas la lune, mais un honnête petit souper qui comble les derniers creux subsistant d’un cinq à sept où nous n’avions pourtant pas méprisé les apéros et les amuse-gueule. "Quelque chose de bon et de pas trop lourd…" avait précisé mon amie, ajoutant sur le même ton que j’étais son invité. Nous avons un peu flâné dans le Vieux-Québec, lu ici ou là les cartes affichées devant quelques restaurants.
Bien que le temps doux se prête à ces balades nonchalantes, nous croisons peu de marcheurs. Aucune hésitation devant Au Café suisse, "institution" dont nous avions gardé un bon souvenir. Nous "traversons" littéralement des odeurs, denses et apéritives, en nous dirigeant vers la petite salle à manger du fond. Une serveuse s’amène aussitôt et nous propose l’apéro. Nous répondons en choeur qu’ils sont déjà pris – et aussi les entrées, devrais-je préciser – et nous intéressons tout de suite à la carte. J’aurais immédiatement opté pour un plat de gibier, mais je n’en vois aucun. Qu’à cela ne tienne! Nous avons là, sous les yeux, toutes les variations sur le thème de la fondue, principale spécialité de la maison: bourguignonne, terre et mer (crevettes, pétoncles et saumon), bourguignonne et crevettes, suisse, chinoise, etc. On pourrait en dire autant des raclettes.
Nous sommes également sensibles à d’autres charmes: salade de cuisse de lapin aux champignons, friolée de champignons sauvages, ravigotante fromagère à l’huile de noix, pavé de cabillaud rôti au thym (gâteau d’orge perlé à la bière et beurre de fenouil), roulade de pintade et jambon fumé de la Borne au chèvre Tournevent (coulis de sureau et huile de pistache), fricassée de porc et rösti fribourgeois, spaghetti aux tomates…
La serveuse vient s’enquérir de notre commande. "Encore quelques minutes", disons-nous. Nous nous répétons, car c’est la troisième fois qu’elle s’amène à pas feutrés, le carnet bien en évidence. Il n’y a pourtant pas foule dans le restaurant. Nous espérons en vain qu’elle nous suggère de lui faire signe quand nous serons prêts. Elle répond à quelques-unes de nos questions et, quand elle se radine un peu plus tard, nous lui donnons satisfaction. Puis mon "inviteuse" choisit un verre de rouge (Fortant de France); je me contente d’un "Vin de fondue" (Chasselas), tout en déplorant le choix restreint de vins proposés au verre. Un riesling n’aurait-il pas été tout indiqué pour accompagner mon sauté de crevettes et pétoncles au riesling?
J’émets tout haut ce commentaire; notre serveuse reste imperturbable. La seule qualité des plats plus ou moins chauds qui nous sont servis peu après réside dans leur… présentation. Je veux parler de l’harmonieuse disposition des divers éléments, bien qu’on puisse, sur le plan des saveurs, s’interroger sur la pertinence de telles alliances: compote d’oignons (quelconque), semoule (huileuse), courgettes (au naturel, mais elles n’ont sûrement pas fait exprès!), brins de ciboulette et branches de thym (frais), triangles de polenta frite (secs, sans goût et peut-être réchauffés), riz goûteux mais insuffisamment cuit (pour moi) et des pâtes (pour ma compagne). Le pactole, quoi! Et il y a même un boni: les crevettes et les pétoncles insipides (peut-être achetés en vrac et décongelés?) et nappés d’une sauce blanche qui, dans un coin de l’assiette, se fabrique en douce une petite peau plissée. "Ça m’enrage!" grince mon amie, habituellement si conciliante. Son escalope de veau des cantons n’a pas le même goût d’une bouchée à l’autre, comme si sa garniture (gruyère et viande des Grisons) n’avait pas été également distribuée.
"C’est à votre goût?" (ou quelque chose du genre) demande notre serveuse en s’approchant. Nous répondons que ça va. Un lapsus, sans doute, car nous pensons tous les deux "on s’en va". Nous tentons bien de jouer encore un peu de la fourchette, mais le coeur n’y est pas du tout. À peine avons-nous repoussé nos assiettes (non terminées), qu’on vient desservir. Les napperons de papier sont immédiatement remplacés par d’autres, en même temps qu’on nous apporte la carte des desserts. Mais nous avons déjà l’esprit ailleurs. Le corps suit pas longtemps après.
Restaurant Au Café suisse
32, rue Sainte-Anne
Vieux-Québec (Québec)
Téléphone: (418) 694-1320
Menu du midi à partir de 8,95 $
Table d’hôte: 21,95 à 29,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 65,45 $
Les Fêtes chez Guido le gourmet
Le chef Leïla Brière présente fièrement ses somptueux menus de Noël (sept services) et de la Saint-Sylvestre (huit services). L’apéritif maison, crème de framboise au cointreau et champagne, accompagne les "mise en bouche", dont la frivolité de saumon au caviar. L’entrée est constituée de "foie gras au torchon mi-figue mi-raisin sur brioche grillée" qu’on pourra arroser d’un Loupiac 1996 (Domaine du Noble). Après cela, selon le menu choisi, on se régale de noix de St-Jacques au chorizo et beurre mousseux au paprika et citron (Pouilly fumé 1998, La Moynerie) ou d’un tartare de thon à l’esturgeon fumé, émulsion de basilic pourpre aux caprons (Pouilly fumé 1999, La Moynerie). Granité au pamplemousse et campari ou au champagne; médaillon d’oie rôti aux châtaignes, filet de doré à l’aigre-doux et aux baies rouges, suprême d’autruche au caramel d’épices (mirabelles de Lorraine rôties), brie crémeux de Normandie (ruban de porto et sa compotée des vignerons)… et ainsi de suite, avec une escorte de vins tout aussi prestigieux que les précédents.
Guido le gourmet
73, rue Sainte-Anne
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 692-3856
Menu 7 services (24 et 25 décembre: 55 $; accord mets et vins: 110 $
Menu 8 services (31 décembre): 70 $; accord mets et vins: 135 $