Restos / Bars

Il Mulino : Perle rare

Nous le savons, les restaurants italiens se sont multipliés depuis 10 ans comme des champignons… de Paris. Seulement, à l’instar des truffes, seules quelques perles rares méritent l’argent qu’on y dépense. Il Mulino incarne la perle parmi les perles, et il y en a peu.

Nous le savons, les restaurants italiens se sont multipliés depuis 10 ans comme des champignons… de Paris. Seulement, à l’instar des truffes, seules quelques perles rares méritent l’argent qu’on y dépense. Il Mulino incarne la perle parmi les perles, et il y en a peu. Et les perles, si ça coûte cher, ça vous rehausse un cou.

Cette jolie maison du quartier italien ne se contente plus d’être une institution qui fait très bien. Les nouveaux patrons, Tony De Rose en cuisine et Aniello Covone en salle, avancent sans attendre que les modes changent et vous abaissent au rang des vieilles modes. Ils n’ont pas fini de nous étonner parce qu’ils ont compris que le classicisme italien devait s’alléger en se recréant pour correspondre aux goûts du moment. Restaurateurs consciencieux et enthousiastes, ils ont bien l’intention de faire leur place sans vendre leurs âmes. Cela se traduit par un travail rigoureux de tous les instants, de tous les détails. Si la maison reste petite (une trentaine de couverts environ) et modeste dans le décor, chic tout en étant classique et bourgeoise, cela leur permet de donner le meilleur d’eux-mêmes et d’une cuisine exceptionnelle tant elle est comprise et réussie, si rodée et huilée qu’on n’en voit plus la couture.

Car tout est remarquable, de la mise en bouche – focaccia aux tomates, poivrons rouges (assez mordants) rôtis sott’olio et olives grasses et charnues – jusqu’aux plats et desserts (toujours faits sur place). Les patrons ne font aucun compromis sur l’élément principal: le produit, impeccable.

Ainsi, deux artichauts frais cuits à la vapeur et présentés avec leurs tiges et nappés simplement d’une excellente huile et de dés de tomates, se mangent en entier – foin compris – tant ils sont tendres et délicats. Les ris de veau qui sont le plus souvent offerts en plat sont proposés en entrée (car moins copieux) pour changer, et c’est une idée originale. Parés sans défauts et pressés (pour uniformiser la cuisson), ils ont été poêlés au beurre et à l’huile d’olive avant d’être servis avec des tranches d’une poire à demi mûre, de quelques rondelles d’oignon légèrement caramélisées sur un fond suave allongé au marsala sec. Une pointe de douceur un peu aigrelette, une sauce onctueuse, les ris sont traités avec égard, la main légère.

Sur une carte qui change tous les jours, le chef propose plusieurs plats d’inspiration française, surtout les viandes, magret de canard, rôti de veau, selle d’agneau. On les traite cependant à l’italienne, l’un avec des cipolline, l’autre avec une salade de haricots verts. Après tout, l’Europe peut aisément traverser ses nouvelles frontières gastronomiques maintenant que l’euro les fédère. Cela dit, nous avons choisi un risotto crémeux aux champignons sauvages fait avec un fond dense et parfumé, de circonstance, et le plat de base de la cuisine italienne moderne, le plus simple des plus simples (c’est souvent avec de tels plats qu’on voit le talent d’un chef), des gnocchi aux tomates et au basilic. Fondants, ils hésitent entre le liquide et le solide; la sauce faite à l’instant est délicate avec une pointe acide lui donnant juste assez de vivacité: c’est la perfection, rien de moins. Ces deux classiques italiens sont si parfaitement assaisonnés qu’il est impossible de leur résister.

En finale, une sorte de croustade fait de farrò (un blé antique encore utilisé de nos jours dans la cuisine du sud de l’Italie), longuement trempé avant d’être cuit et mêlé à de la crème, de la vanille et du sucre, pourrait être banal, mais il ne l’est pas. Ce dessert, comme la tarte aux amandes à la gelée d’abricots, n’est pas ivre de sucre et laisse une toute petite envie d’en reprendre. Un autre bon signe. Ainsi que la remarquable carte des vins, l’accueil gentil et le service qui connaît les bonnes manières. Toutefois, rien de tout cela ne vous sera facturé la main légère, mais vous aurez la satisfaction d’avoir pris un grand repas dans une petite maison sympathique et sincère. Comptez 110 $ pour deux personnes avec les taxes et le service avant le vin.

Il Mulino

236, rue Saint-Zotique Est

Tél.: 273-5776