Restos / Bars

Couscous babas cool : Le Nomade

Si tous les restaurants arabes de la ville étaient comme ce Nomade algérien berbère, nous aurions moins peur du couscous et du petit goût de nostalgie 72 qu’il éveille.

Si tous les restaurants arabes de la ville étaient comme ce Nomade algérien berbère, nous aurions moins peur du couscous et du petit goût de nostalgie 72 qu’il éveille. Installé dans un demi-sous-sol de la côte de la rue Saint-Denis, ce resto s’est fait un credo d’être différent: sa cuisine est préparée avec soin, ses prix sont raisonnables, et le décor ne verse pas dans l’excès de fontaines et de moucharabiehs. Et surtout, on n’a pas l’impression d’être pris pour un gringo chez le marchand de tapis.

La carte propose des entrées assez typiques mais présentées avec juste ce qu’il faut de minutie pour les rendre inédites. Et intéressantes. Les bricks à l’algérienne, dont la pâte est délicate et craquante, n’ont pas la forme triangulaire de ceux de la Tunisie et ne contiennent pas l’oeuf cru et coulant avec lequel il faut composer. De forme oblongue, comme un cigare, ils renferment un mélange de viande de boeuf, de coriandre fraîche et de fromage. La salade méditerranéenne se compose de laitue romaine hachée grossièrement, d’olives vertes et de quelques tranches de concombre qu’on nappe d’une émulsion un peu sucrée. Une autre salade, tiède celle-là, fait se chevaucher des morceaux de courgette et de poivron vert passés à la grille, saupoudrés de persil et de coriandre hachée. Pour une salade "verte", on fait difficilement mieux. Pour des raisons de digestion, j’aurais remplacé le poivron vert (donc pas mûr, et forcément pénible à digérer, même cuit) par du rouge, plus sucré.

Le tajine marocain de poulet au citron et aux olives est l’un de ces plats emblématiques du Maroc que l’on retrouve sur tous les menus des restos d’Afrique du Nord. C’est une sorte de ragoût, mijoté longuement et assaisonné avec des morceaux de citrons confits que l’on ajoute habituellement à la fin de la cuisson. On a décidé ici d’en faire une version allégée (je ne sais pas si c’est là une trouvaille, en fin de compte) en remplaçant l’huile qui sert de liaison par une sauce veloutée, farinée et allongée au bouillon. L’idée n’est pas mauvaise et le résultat est effectivement léger, sans perte de saveur. Mais l’intérêt du tajine réside dans sa robustesse. Dans l’impression de longue cuisson, dans les viandes qui fondent dans la liaison riche et grasse de la sauce. Ce qui ne se produit pas avec cette version où la viande reste un peu ferme. Côté couscous, la qualité de celui du Nomade se trouve dans sa semoule. Roulée à la main à partir d’une semoule précuite, mais roulée à la main tout de même. Toute une différence. Légère, presque aérienne, elle continue d’absorber tout le liquide qu’on lui donne à boire (y compris au creux de votre estomac). L’excellent bouillon est parfumé et digeste, et s’accompagne d’une variété de légumes-racines et de pois chiches fraîchement cuits. On le propose dans les combinaisons habituelles, au poulet, agneau, boeuf et merguez, ou avec l’un et l’autre. L’agneau, pris dans le jarret, est mijoté lentement dans un bouillon jusqu’à ce que la viande tombe de l’os. Les merguez – également d’agneau – sont faites maison; on s’en aperçoit aisément par l’absence de couleur rouge sang qui distingue habituellement les saucisses du commerce (souvent teintes avec du colorant).

On se passe sans problème de douceurs après pareille agape; on leur préfère le thé à la menthe (servi très sucré, comme c’est la coutume) en finale. Sur une carte de vins du Maghreb, les patrons ont la courtoisie de ne pas gonfler leurs prix inutilement pour des pinards simples et, somme toute, rudimentaires (autour de 20 $ la bouteille). Un autre bon point. Ainsi que l’accueil tout à fait charmant. Comptez 55 $ pour deux avec les taxes et le service, avant le vin.

Le Nomade
2110, rue Saint-Denis
282-8744

Amuse-gueule:
Je sais pourquoi les ouvrages de la journaliste Patricia Wells sont si attachants. Et ce n’est pas une question de marketing ou de belles photos. Ses livres de recettes, chacune avec son histoire ou son anecdote, sont soigneusement écrits. Et tout ce qu’ils contiennent est facile à préparer, d’une simplicité et d’une élégance à toute épreuve, à l’épreuve même des cuistots néophytes. Les Promenades d’une gourmande (JC Lattès) en fait foi. Son dernier livre est presque un guide de la capitale française: ses marchés, ses restos, ses chefs prestigieux ou ses cuisinières de bistros, ses trésors gourmands cachés au fond des venelles des vieux quartiers ou des quartiers bourgeois. On a faim rien qu’à lire la préface, et après avoir parcouru le premier chapitre, on se précipite en cuisine pour essayer ses recettes.