Restos / Bars

Faux pas : L'Endroit

L’Endroit est une notion splendide. Et un peu affectée. Or, c’est précisément ce qui fait son intérêt premier: ce restaurant est davantage un concept qu’un lieu de jouissance  gourmande.

L’Endroit est une notion splendide. Et un peu affectée. Or, c’est précisément ce qui fait son intérêt premier: ce restaurant est davantage un concept qu’un lieu de jouissance gourmande. Tentures rouges en velours, dorures et miroirs florentins en carton-pâte: l’illusion est habile et sympathique. Fausse ambiance de boulevard, le décor est un ramassis de parures rococo qui évoquent tour à tour l’arrière-scène d’un théâtre cheap de l’East Side new-yorkais et les restes du décor du film Moulin-Rouge. Pas banal.

Parfois, on se dit que le goût douteux peut être élevé en "bon goût". Ainsi, nous trouvons aujourd’hui l’esthétique des années 60 exquise. C’est l’allégorie derrière ce restaurant du boulevard Saint-Laurent qui le distingue de ses voisins branchés, attachés au minimalisme postmoderne, style danois ou Wallpaper, c’est pareil. Ajoutez à cela une frivolité très Camp, comme disent les Londoniens, et vous avez l’idée générale de ce resto-théâtre qui propose chaque soir des shows de variétés, du lip-synch ou un travelo qui chante des airs d’opéra (les rôles de femmes, bien entendu). On s’amuse, on rigole et l’on est même touché par l’inspiration et le souhait des patrons qui ont su faire de leur resto un "endroit", effectivement!

Mais de cuisine, nous ne parlerons pas beaucoup. Car le soir de notre passage, l’endroit était calme, et pourtant tous les mets étaient ratés. Tous. D’une carte où l’on propose des plats de n’importe où et de nulle part – un peu français, américain certainement, asiatique par certaines connotations, italien par d’autres, et même végétarien, tiens! puisque nous y sommes -, on ne sent nulle direction et nulle personnalité. Une friture brûlée ici, une sauce au goût âcre là, des erreurs de plats, d’assaisonnements, des appellations boursouflées et anodines (rigatoni alla disgraziata), un caviar d’aubergines au parfum de réfrigérateur, du canard aux figues dont la sauce aurait mieux fait d’être servie au dessert tant elle était sucrée, un ris de veau mal dénervé, une assiette de trois médaillons de veau dont l’un était… du boeuf. Comme si le client n’était pas capable de reconnaître la différence. De qui se moque-t-on, au juste? Et encore, je ne mentionne pas les desserts, brouillons et insipides.

Si l’on retrouvait ici une cuisine défendant les mêmes valeurs d’originalité ou, mieux, de simplicité que celles qui sont prônées par le concept, ce serait un lieu idéal et plein de verve qu’on aurait plaisir à fréquenter. Car les patrons font preuve de bonne volonté. Mais le cuistot a les deux pieds dans la même bottine. Et pour 75 $ à deux, avec les taxes et le service, ça ne vaut même pas le show – assez divertissant, du reste!

L’Endroit

3962, boulevard Saint-Laurent

286-9988