Restos / Bars

La Fabrique du smoked meat : Style rib

Son savoureux smoked meat maison et ses grillades parfaitement réussies ont valu à ce resto de quartier un succès presque instantané. Par certains côtés, l’ambiance rappelle les bonnes vieilles brasseries qui ne sont plus.

Nous n’avions pas réservé, mais la chance nous avait gardé une table pour deux à proximité du comptoir séparant la cuisine de la salle à manger. Nous voici instantanément plongés dans la rumeur des conversations qui s’entremêlent sur un fond de salsa lointaine. Une clientèle hétérogène a investi les lieux d’assez bonne heure, car midi n’a pas encore sonné. Derrière moi, un grand miroir rectangulaire couvre l’un des murs, ajoutant un peu de profondeur à cette pièce de dimensions modestes. On peut y déchiffrer les spéciaux qui reviennent de façon ponctuelle chaque semaine: lundi, spaghetti au smoked meat; mardi, steak haché; mercredi, foie de veau… Petits tableaux encadrés et affichettes laminées constituent l’essentiel d’un décor qui se veut avant tout fonctionnel. Dans la cuisine, ça flambe et ça fume. "Ça grésille, hein!" constate mon invitée. Pour moi, la viande chante tout simplement. Elle doit aimer ce qu’on lui fait, si j’en juge par les fumets qu’elle nous envoie comme autant de signaux… d’allégresse. Vifs et empressés, le sourire prompt, un serveur et deux serveuses s’affairent. Certaines assiettes sont de véritables montagnes qui nous passent rapidement sous le nez, planent au-dessus de quelques têtes et disparaissent. Une bière s’impose, je veux dire deux: une Tremblay pour mon invitée, une Belle Gueule pour moi. Je jette enfin les yeux sur la carte qui fait office de napperon (ou vice versa). Mes certitudes vacillent de plus belle. Je croyais n’être venu ici que pour ce smoked meat dont on entend tellement parler depuis quelque temps, mais, quand il est question de grillades sur feu de bois… "Ça va?" s’inquiète mon invitée, attentive à mes moindres froncements de sourcils. Je lui expose mon embarras comme on ferait d’une tragédie. Elle me suggère le "combo" et choisit, elle, un classique de la maison – après avoir rapidement fait le tour des fondues parmesan, bruschetta, salades (grecque, césar), côtes levées, spaghetti, filet de merlu, côtelettes de porc, etc. Pour commencer, on lui apporte une petite salade de chou. "Et pour vous!" dit la serveuse en posant devant moi une assiette. J’avais cru que mon "combo" s’accompagnait d’une petite tranche de foie. Mais non: il inclut une copieuse entrée de foie de veau garni de bacon, d’oignons frits et d’un gros poivron rouge pelé, épépiné et grillé. Si elles le pouvaient, mes papilles se retrousseraient les manches pour attaquer. Alors, elles font comme si. Bon dans l’ensemble, comme peut l’être du foie de veau. Je n’en attendais pas l’extase et ne l’ai pas eue non plus, mais mon assiette est tout de même repartie proprette. L’arrivée de ma seconde assiette m’inspire une formule que j’aurais souhaitée magique: "Panse, fais-toi aussi grosse que les yeux!" Bien que mince, mon bifteck de côte (rib pour les intimes) couvre une assez bonne surface: tout chaud, luisant, semé d’épices des deux côtés… Sympa, quoi! Nous passons d’emblée au tutoiement assaisonné d’un beurre maître d’hôtel goûteux et délicat. Le serveur vient s’enquérir de mon état d’âme. "Parfait", dis-je. Ma réponse englobe la qualité de la viande, sa tendreté, sa saveur – sa cuisson même, conforme à ce que j’avais exigé. À côté du steak, un monticule de frites prend patience; à côté de lui, c’est l’amoncellement des tranches de smoked meat. Sur la table, entre mon invitée et moi, deux petits bols de mayonnaise s’ennuient ferme. Ne sachant plus où donner de la fourchette, je m’accorde un éclair de réflexion. Ragaillardi d’une lampée de bière, je reprends les armes avec un entrain aussi valeureux que bref. Je n’en peux plus, certes, mais l’état des vestiges atteste que je fus sans pitié. Le moins amoché des survivants, en l’occurrence un cornichon, n’arriverait pas à se reconnaître dans une glace. Mon invitée a fait de même: son smoked meat n’est que l’ombre de lui-même. Nous nous examinons avec cette espèce de regard flou qui tient à la fois du contentement et du remords. Et tellement synchronisés que nous répondons d’une même voix "oh non!" quand la serveuse vient nous proposer les desserts.

La Fabrique du smoked meat
727, rue Sainte-Thérèse
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 527-9797
Menu du midi: 8,95 $
Dîner pour deux (incluant taxes et boissons): 38,18 $