Restos / Bars

Mistral gagnant : Vent de fraîcheur

Un Espagnol et un Gascon tâchent de faire survivre la Provence dans ce restaurant parfumé de souvenirs et  d’exotisme.

La neige tombe dru. Nous prenons tout de même le temps de détailler la carte affichée au pied du petit escalier: saumon aux trois fromages, linguine aux trois fromages, osso buco milanaise, entrecôte au poivre… Quelques changements évidents, certes, puisqu’il y a environ un an, ce restaurant passait aux mains de ses actuels propriétaires. "Allons-y voir", dis-je en attrapant mon amie par le bras. À l’intérieur, l’essentiel du décor subsiste, dans ses tons presque emblématiques de "jaune soleil, vert olivier et bleu lavande". De la table plutôt exiguë où nous avons bientôt pris place devant le mur de brique, nous procédons à un rapide tour d’horizon. Par pure nostalgie, je regrette peut-être un peu la commode galbée qui me faisait envie, le grand coffre plein de coussins, les meubles encombrés de faïence ou chargés de nougats, de lavande et de fines herbes. Au-dessus du comptoir, près de l’entrée, une grande photo laminée: Brel, Ferré et Brassens discutant le coup en noir et blanc. Deux autres tableaux laminés déclinent des cépages, tandis que l’imposante colonne centrale recense des variétés de café ou de thé, de vieilles annonces d’huile d’olive et quelques santons de Provence tels que La Porteuse de courges, Le Pêcheur, Le Tambourinaire… Au désir de dépaysement, au besoin de soleil et à toutes nos velléités de farniente, nous levons nos verres de pousse-rapière – une liqueur d’abricot à l’armagnac que la maison vous émoustille de mousseux. La cuisine est-elle encore provençale? Il le faut, si l’on en juge par ce dicton que nous pêchons au hasard dans l’un des livres de recettes qui rôdent dans notre coin: "Un poisson vit dans l’eau et meurt dans l’huile d’olive." On nous annonce fièrement la bouillabaisse maison, et je dis oui comme à l’appel de mon nom. Mon amie se montre un peu plus capricieuse et se fait raconter les ris de veau au coulis de poivrons doux, le caribou sauce poivrade, les côtelettes d’agneau au thym et basilic, le suprême de volaille farci au fromage de chèvre. Malgré les pressantes sollicitations de la carte, de mon apéro, de mon appétit et des tapenades qu’on nous a servies, je m’abstiens de commander une entrée. Cette modeste abstinence, mon amie y souscrit volontiers, quitte à se consoler bien vite d’une ou deux gorgées de Nobello blanc. Et voici le poisson du jour qui lui est destiné: un filet d’espadon avec son escorte de chou-fleur, gratin dauphinois, betteraves et carottes. Une fois gratifié de la pincée de sel qui lui fait défaut, il se révèle "très bon", pour celle qui l’a choisi, et "pas mal" pour moi qui ai toujours trouvé ce poisson trop ferme et trop imperméable aux assaisonnements. Je dois avouer que la sauce au safran lui fait du bien, beaucoup de bien. De mon côté, croûtons, rouille et fromage attendent mon bon vouloir. Je les laisse languir un peu, ils ne le regretteront pas. Mon attention s’attarde au bol cornu qui me nargue de ses parfums subtils – marée fraîche embaumée d’herbes, moules largement ouvertes, crevettes, morceaux dodus de lotte, pétoncles, tranches de saumon qui s’effeuillent dans le bouillon fumant. Pour un peu, j’aurais le trac. J’attaque tranquillement, attentif à toutes mes impressions. Le bouillon, quoique vraiment trop clair, surprend par sa richesse gustative et l’équilibre de l’assaisonnement. Le chef a poussé la fantaisie jusqu’à y laisser tomber une larme de pastis. La rouille a, elle aussi, très bon goût. Sans doute est-ce à cause de la température ambiante qu’un peu d’huile colorée y surnage? Quant aux poissons et fruits de mer, ils me font la même impression que l’espadon: rebelles à l’assaisonnement, on dirait qu’ils ont été cuits tout seuls et ajoutés après. Pas mauvais, dans l’ensemble, mais on dirait que c’est dans votre bouche que les diverses saveurs tentent de nouer connaissance… Dehors, le printemps neige de plus belle. Mon amie craque pour une amandine à la lavande – fraîche et légère comme un coup de tête.

Mistral gagnant
Restaurant provençal
160, rue Saint-Paul
(Québec) Québec
Téléphone: (418) 692-4260
Menu du midi: 9,95 à 12,95 $
Table d’hôte: 18,95 à 25,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 60,90 $

Rendez-vous californien
Jusqu’au 31 mars, le restaurant Le Charlevoix du Fairmont Le Manoir Richelieu vous régale à la mode californienne. En effet, le chef Jean-Michel Breton partage ses cuisines avec un invité de marque, en l’occurrence le chef Steven Parker du Fairmont San Jose. Véritable laboratoire culinaire, la Californie est aussi, comme on le sait, un lieu de convergence des cuisines ethniques les plus variées, où abondent fruits et légumes frais, fruits de mer, herbes, épices et condiments de toutes sortes. Le menu gastronomique spécialement conçu pour ce festival californien est jumelé à une sélection de vins californiens proposée par la maison Ernest et Julio Gallo. On vous invite à réserver sans tarder.

Restaurant Le Charlevoix
Fairmont Le Manoir Richelieu
181, avenue Richelieu
La Malbaie (Québec)
Téléphone: (418) 665-3703