Primo est un nom que les parents italiens donnent quelquefois à leur premier bébé. C’est aussi le premier des plats qu’on propose sur une table italienne, généralement des pâtes, puis suivi par un secondo, la plupart du temps plus léger – un plat unique de viande ou de poisson, parfois – mais pas toujours – accompagné de contorni, de légumes! En tout cas, ça sonne assez bien comme nom de resto. D’autant plus que c’est aussi le nom des patrons de ce très beau resto du quartier italien aux airs de trattoria de luxe. Ceux-ci se sont aussi inspirés du film Big Night où tous les clichés d’une certaine cuisine italienne des années 40 (la sauce aux boulettes de viande) se mesuraient à la cuisine orthodoxe, le combat du tape-à-l’oeil contre la sincérité de la tradition.
Cette sincérité se mesure assez bien ici, dans un espace aéré, confortable et apaisant, élégant même (dans ce style faux rustique que l’on commence à apercevoir un peu partout en ville), avec un éclairage habilement réparti, une colonne pour délimiter le bar, et de grandes fenêtres sans habillement mais ourlées de blanc. Si le lieu était autrefois occupé par une pizzeria, on l’oublie vite devant le charme plutôt cossu de ce resto consacré à un nouveau type de cuisine italienne, apprêtée aux tournures bien personnelles, à la fois créative et ancrée.
La carte est proposée sur un tableau noir et s’inspire de ce qu’offre le marché. Mais contrairement à la cuisine EN Italie, les portions sont américaines, copieuses, parfois trop. On nous propose donc une assiette d’antipasti, que l’on se partage à deux et qui contient des petites choses toutes simples et fraîchement préparées – champignons marinés, saumon fumé, légumes d’hiver sott’olio, un peu de prosciuto et de melon (qu’on a choisi bien mûr), des olives délicieuses. Cela nous met juste assez l’eau à la bouche. On continue avec des primi, des gemellini et des bucatini, les premiers dans une sauce aux champignons sauvages, presque un beurre tant elle est onctueuse et parfumée au romarin et à l’ail, et les seconds, avec une simple sauce tomatée, toute fraîche et garnie de feuilles de basilic. Ça ne fait pas très estival, mais une pâte aux tomates reste tout de même le meilleur moyen d’évaluer la technique d’un cuistot italien. Elles sont parfaitement réussies, la sauce enveloppant chaque pâte, jamais trop liquide, jamais trop riche. Ces deux plats sont copieux même en demi-portions. En plat, le foie de veau à la vénitienne est le grand classique de cette cuisine de froid et d’humidité. Un plat qui s’accroche à nos flancs. L’abat est taillé en lanières et sauté avec beaucoup d’oignons qui caramélisent lentement. Déglacé avec un peu de vin blanc, il perd toute amertume et acquiert un goût légèrement sucré. Quand ce plat est réussi – et il l’est sous la baguette de Primo -, c’est un pur délice. Un filet de porc est également traité avec beaucoup de maîtrise, poêlé précisément, nappé d’une sauce courte et dense aux parfums d’herbes. On accompagne chaque plat de légumes distincts dont une excellente purée de céleri-rave.
Il est lassant de toujours trouver le tiramisù au menu de ce genre d’endroit – les Italiens connaissent quand même autre chose au chapitre des douceurs -, mais celui qu’on nous propose est de facture exceptionnellement riche, et donc absolument exquis. La cuisine de ce Primo est ambitieuse certes, mais les patrons semblent tout faire pour donner de la régularité et de la finition à leurs plats, même par soirs tranquilles. Et en ce sens, on ne peut que les encourager dans leur démarche. Petite cave assez recherchée et service dynamique et pas guindé. Attendez-vous cependant à recevoir un choc, les prix sont redoutables: 20 $ pour les pastas, 30 $ pour les plats principaux et 8 $ pour les desserts. Comptez donc 120 $ à deux, avant le vin (facturé allègrement aussi, disons-le).
Primo et Secondo
7023, rue Saint-Dominique
Tél.: 908-0838
Amuse-gueule:
Dans le dernier numéro du magazine Gault & Millau, on trouvera un dossier très intéressant et assez complet sur le mouvement Slow Food. Encore un autre club sélect un peu snob et vaguement méprisant? Loin de là en fait. Ce groupe fondé en 1986 pour protester contre l’ouverture d’un McDo (le premier en Italie) est le premier regroupement anti-accélération de la vie, dont l’objectif est plutôt de faire redécouvrir les patrimoines culinaires nationaux. Sa mascotte: l’escargot – pas au beurre à l’ail, mais comme emblème de lenteur. Le chapitre québécois commence d’ailleurs à attirer de plus en plus de membres. Pour information: www.slowfood.com.