Nous avions décidé de souper tôt, si bien qu’à notre arrivée, il n’y a qu’un couple dans la salle à manger. L’accueil est calme et souriant. Le service le sera tout autant, et jusqu’à la fin de notre repas, malgré l’arrivée progressive d’une clientèle assez nombreuse pour un mardi soir. Les haut-parleurs nous déversent du Serge Lama "dernier cru", parfois déroutant. Un grand miroir annonce le "spécial pour deux", mais nous préférons nous en tenir à la carte. "Il y a là ton péché mignon…" pouffe mon invitée. Des calmars frits, évidemment. Je les aime, bien sûr, mais ce qui me pousse à les choisir si souvent, est-ce la curiosité ou la malignité? Certains les réussissent, la plupart les ratent, je ne saurai jamais pourquoi. Je les ai donc eus en entrée, joliment disposés au milieu d’un mesclun accompagné d’une sauce ("trempette") aux olives vertes et citronnelle absolument délicieuse. Le mollusque, lui? Triste. Quelques rondelles dont la panure, grasse, vous semble translucide. J’en mange quelques-unes, soupire, puis, n’y tenant plus, signale à la serveuse que l’huile n’était peut-être pas assez chaude. Elle remporte l’assiette. Le temps d’une ou deux gorgées de rosé, mon invitée me donnant la réplique avec sa bière déjà bien entamée, et je suis de nouveau servi. Cette fois, on dirait des "oreilles de criss": beaucoup trop frits, ces calmars, mais au moins plus digestes que les précédents. Je me console à la pensée que la suite sera peut-être meilleure, surtout qu’en face de moi, c’est un large sourire qui se repaît d’une entrée froide – "amuse-gueule" au saucisson sec, olives et moutarde forte. Avant de passer notre commande, nous avions pris un réel plaisir à découvrir des pizzas aux noms inattendus, parfois même amusants – "El Padrino" (béchamel, mozzarella, jambon, tomates fraîches, oignons rouges, aubergines marinées, persil), "Barberousse", "pizza des Madelinots" (aux fruits de mer et fumet de pétoncles), "la Putain romaine" (sauce tomate épicée, mozza, moules marinées au pesto, ail, citron, tomates, persil et quelques gouttes de miel)… Mon invitée s’était arrêtée dans ces eaux-là, optant pour une "Brigantin", tandis que je me rabattais du côté des pâtes. J’ai bientôt droit à un "potage poulette et épinards", savoureux et chaud, parfaitement assaisonné, avec son goût de moules bien affirmé. Puis arrive mon plat de spaghettini au pesto basilic et champignons sauvages (pleurotes, notamment). Les pâtes sont cuites à point, je veux dire comme je les aime, mais je déplore le goût du… pesto, qui semble n’être, dans le cas présent, qu’une très forte dose de basilic, sans les nuances que peuvent apporter l’ail, les anacardes (ou les pignons) et l’huile d’olive. Et, en face de moi, on se régale! Une pizza "Brigantin" tapissée de sauce tomate, mozzarella, calabrese, lardons, tomates fraîches, poireaux, ail, aubergines épicées, persil. Bonne en bouche, juteuse comme une viande, relevée juste ce qu’il faut. Au point que je suggère à mon invitée, qui montre des signes d’essoufflement, de recourir au "doggie bag". Elle ne se fait pas prier. Elle ne se fait pas prier non plus pour régler l’addition, vu que ma carte de guichet se met soudain en grève sans sommation.
Restaurant Le Brigantin
97, rue du Sault-au-Matelot
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 692-3737
Table d’hôte: 19,95 et 22,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 50,49 $
Tout le monde à table!
C’est sous ce titre que le récent numéro hors série de Courrier international rassemble quelque 110 pages d’articles consacrés aux principales "tendances, traditions et recettes des cinq continents". Du plus familier au plus exotique, on passe par toutes les gammes de l’insolite ou de l’étrange. Mais… étrange ou insolite pour qui? Vous qui consommez des escargots ou des cuisses de grenouilles, mangeriez-vous du chien au piment? du serpent à sonnette à la mode de l’Oklahoma? du chat au vin rouge, comme il s’en prépare encore, plus ou moins clandestinement, à Fribourg? Dans l’une des cinq sections de la revue, justement intitulée Des goûts et des couleuvres, Eric Asimov (du New York Times) rappelle que "le goût est culturel", que les délices des uns font le dégoût des autres, et demande finalement: "Pourquoi les Occidentaux sont-ils dégoûtés par les sauterelles, mais pas par les crabes?" Des journalistes, des écrivains, des chefs ou de simples voyageurs témoignent, analysent, constatent, commentent, pronostiquent. Quelques cartoons sur Les Aliments dévoyés (OGM et consorts), des anecdotes, des extraits de reportages et, ici ou là, un petit clin d’oeil à saveur historique – une "bataille économico-religieuse" au sujet d’un beignet de haricot (Salvador de Bahia), le Japon découvrant le… "sushi occidental", la gastronomie française en crise ("… bonjour Big Mac"), la nouvelle toquade des chefs new-yorkais (sels rares ou composés), les produits en perte de popularité (vinaigre de framboise…) et j’en passe. On lira également, avec un plaisir aussi intense que rassurant, l’article consacré au phénomène désormais international du slow food. Ce hors série s’achève sur Un tour du monde en 66 recettes où même la poutine (celle du Nouveau-Brunswick, toutefois) trouve sa place.