Restos / Bars

Un champion de thaï : Resto

Le déferlement des restos asiatiques nous a appris une chose: tous les cuisiniers ne sont pas bons, même s’ils ont des baguettes (presque littéralement) aux doigts. Sous prétexte de faire de la pan-asiatique (presque tous tenus par les "fils du ciel"), on nous présente depuis quelques années des menus qui font le tour du plus grand continent du monde en 20 plats.

Le déferlement des restos asiatiques nous a appris une chose: tous les cuisiniers ne sont pas bons, même s’ils ont des baguettes (presque littéralement) aux doigts. Sous prétexte de faire de la pan-asiatique (presque tous tenus par les "fils du ciel"), on nous présente depuis quelques années des menus qui font le tour du plus grand continent du monde en 20 plats. Comme s’il y avait quelque chose de commun entre la cuisine de Beijing et celle de la Malaisie! Les quelques thaïs qui ont résisté à ce raz-de-marée chinois sont devenus des références. Car la cuisine thaïe est encore "hot"! De temps à autre un peu trop "hot" d’ailleurs.

Le Thaï Grill, ouvert depuis plusieurs années, a gagné ses lauriers de grand restaurant montréalais en traversant de nombreuses vicissitudes et en s’attaquant à un problème majeur: faut-il faire de l’authentique ou de la cuisine de touriste? Dans son décor exquis, de style asiatico-rococo, tout plein d’éléphants, de bouddhas, de batik et de bambou, de dorures et de faux bananiers (mais avec de vraies orchidées sur chaque table, un détail tout de même soigné), les patrons sont passés du fictif à l’incontestable, un saut remarquable vers la qualité, et font maintenant de la cuisine rigoureusement siamoise. Le menu est une fête pour qui aime cette cuisine aux parfums parfois violents et d’une franchise étourdissante. Les spécialités aux saveurs sensuelles d’où jaillit un contrepoint de contrastes forts et complexes, avec du citron vert et de l’ail, du sucre de canne, beaucoup de chili, de l’acide, de l’aigre, du sucré et du salé en une seule bouchée. Avec le temps, je me suis rendu compte que seuls les Thaïs savaient manoeuvrer ces nuances. Et des Thaïs, il y en a un grand nombre derrière les fourneaux; il y en a un aussi aux commandes qui ne vous fera pas du siamois javellisé. Enfin, attendez-vous à ce que cela pique. Car insistez pour du thaï sans piments, c’est comme vouloir de l’italien sans huile d’olive ou de l’espagnol sans ail.

Parfaitement réussis, des petits beignets de crevettes en purée et frites qu’on présente sur quelques feuilles de laitue émincée accompagnée de concombre frais. C’est une option inédite aux po pia et aux satés, qu’on trouve aussi sur le menu, si l’on souhaite rester dans le familier. Le soin qu’on met à présenter les salades est souvent un indicateur de raffinement; le som tam par exemple, la salade de papaye verte (une spécialité de la région de l’Issan), habituellement fort en goût de crabe séché, est apprêté sobrement avec la sauce d’anchois fermentés, des morceaux de tomates et de chilis frais, de l’ail et des haricots verts. On goûte aussi – et par pure gourmandise – au laap, une salade de canard grillé, assaisonnée avec un mélange tranchant de riz grillé à sec, de coriandre fraîche, de piment et d’ail. La soupe tom yam est exquise, voluptueuse, avec des calmars et des crevettes baignant dans un jus de tamarin et un bouillon fortement aromatisé à la citronnelle. Oui, ça embrase, et c’est tant mieux. Ça vous débloque les voies respiratoires, ça vous électrise les papilles. En plat, du poulet mariné et cuit dans des feuilles de pandanus a acquis un parfum presque sucré; on le présente sur une belle assiette et il s’évanouit aussi vite qu’il apparaît tant il est appétissant. Le poisson sauté aux feuilles de basilic frit serait techniquement parfait, assaisonné avec une maîtrise complète des parfums aigres, s’il n’avait ce goût prononcé de tourbe. Mais ce parfum est apprécié des Thaïs qui vivent près des grands fleuves comme le Mékong. Ce n’est pas le cas chez nous, nous lui préférons le poisson de mer ou de lac, dont le goût est plus délicat. Comme quoi nous touchons là à la limite du relativisme culturel.

Ce n’est pas le cas avec le service qui s’est grandement amélioré, adapté à nos exigences de vivacité mêlée à une certaine désinvolture. À la carte les prix du menu de Thaï Grill s’élèvent précipitamment, et pour cause, les plats étant faits de produits frais, impeccablement traités. On peut cependant profiter des mardis soir, où un repas de trois service sera facturé 15 $. À nous, il en aura coûté 90 $ avec les taxes et le service, sans boisson.

DIÈSE: le soin apporté aux détails pour chacun des plats: le goût, la présentation, la fraîcheur des produits.

BÉMOL: la musique lounge en fond sonore semble davantage choisie pour les serveurs (qui l’aiment bien) que pour les clients (qui doivent parler fort pour se faire entendre).

Thaï Grill
5101, boulevard Saint-Laurent
270-5566