Restos / Bars

Au Cyclo : Espace Tonkin

À chaque décennie, on adopte une cuisine asiatique dans ce continent. Et chaque cuisine suit ou précède des événements politiques importants: des conflits, des coups d’État, des monarchies qui se volatilisent, des Bourses qui s’emportent, des monnaies qui se dévaluent: l’Asie, ce n’est jamais  trivial.

Le Viêt Nam non plus n’est pas trivial. Mais sa cuisine commençait à l’être de plus en plus. En tout cas dans sa version un peu édulcorée de centre commercial ou de resto à phos, les soupes-repas qu’on mange habituellement à même les trottoirs d’Hanoi et de Saigon. Montréal ne pouvant se permettre une cuisine de rue (because le climat bien sûr, mais aussi à cause des administrations municipales qui l’interdisent depuis des années), les Vietnamiens ont alors ouvert des dizaines de ces petits troquets à soupes, qu’on retrouve aujourd’hui jusqu’à Saint-Sauveur. Leur vertu première est de proposer des goûters économiques. Oubliez l’ambiance, fermez les yeux sur le décor: vous êtes ici pour vous nourrir d’abord. Mais la cuisine vietnamienne se réduit-elle à ces désormais clichés?

Heureusement pour nous, il y a encore quelques restaurants raffinés qui proposent des plats d’une sorte de "cuisine de cour", en fait une cuisine de la bourgeoisie faite de produits plus fins, plus rares, et dont la préparation demande davantage de boulot. Le Viêt Nam l’a compris aussi, et c’est pourquoi on trouve là-bas une école de cuisine qui forme les futurs cuisiniers d’hôtels, dont la cuisine sera dorénavant servie à ces nouveaux bourgeois: les touristes.

Le patron du restaurant Au Cyclo est justement passé par cette école; mais l’hiver devant lui manquer, il est revenu s’installer avenue du Parc, avec ses recettes. Et quelles recettes! Nous sommes loin de la gargote. L’espace, peint dans les tons de crème au beurre, est habillé de jolies lampes "orientalisantes" toutes rouges, au milieu d’un décor presque japonais tellement il est sobre et cosy. Le menu plein d’imprévus offre des spécialités bien vietnamiennes dont on reconnaîtra évidemment la paternité chinoise (exception faite d’une carte sushis – une cinquantaine de variétés). Mais avec cette différence qu’elles sont préparées avec une considérable délicatesse et un réel souci de grâce et de distinction. Ce que vous mangerez ici vaut amplement tout ce qui se mange de meilleur dans le quartier. Les nems, ces rouleaux impériaux version BMW, sont croustillants, remplis de viande et de fruits de mer, et pas seulement de nouilles. On doit impérativement les emballer dans la laitue avant de les plonger dans le nuoc cham, la sauce de poisson aromatisée à la lime fraîche et aux piments frais. Dans la splendide version de la salade de boeuf épicé, les éléments – boeuf cru, citronnelle, coriandre fraîche, menthe, et une herbe étonnante qui a pour nom rau ram et dont raffolent les Viets (nous aussi du reste) – sont mêlés à du jus de lime, de l’ail et un peu de chili. La même finesse se retrouve dans une chiffonnade de crevettes, épicée avec doigté et dans une assiette de beignets de patates sucrées frits d’allure vaguement cubiste et sur lesquels on a simplement déposé une petite crevette, qui avait à peine rendue l’âme. Le sauté de poulet au basilic, avec oignons et poivrons, est nullement gras et se distingue de la version thaïe par une plus grande pudeur dans l’assaisonnement. Le poisson-chat braisé lentement à l’étuvée et servi en tranches est à peine condimenté de fèves noires, de gingembre frais et de champignons; on est surpris de ces saveurs à la fois franches et nettes. Qui a besoin de douceurs après ça?Voilà donc une autre de nos bonnes adresses, avec, en bonus, des prix tout à fait raisonnables. En fait, vous vous en tirerez aisément pour 60 $ à deux, taxes et service compris avant le vin (pour profiter de cette cuisine, de grâce choisissez le blanc).

DIÈSE: La cuisine, précise, soignée et absolument exquise.

BÉMOL: Les desserts (mais on les excuse, les Viets n’en consomment pas). Autrement, nous trouvons bien peu de défauts à cet adorable troquet.

Au Cyclo
5136, avenue du Parc
272-1477

CAFÉ CULTURE
Drôle et sympa à la fois. Un peu baba cool, avec son ambiance des années hippies, et ses orchestres rock le week-end. Ce café n’est ouvert que le soir, mais c’est un endroit hors du commun pour prendre une bière, un café, manger un petit truc sur le pouce ou simplement socialiser avec la foule, tout aussi hors du commun. Oh! ce n’est pas la découverte du siècle, ni un sérail gastronomique, mais ce n’est pas cher et c’est tout à fait honnête et plutôt cute! Personnel ultra- sympa pour ceux qui aiment, ultra-familier pour les autres.

Café Karaoke
5416, rue D’Iberville
721-2462

Amuse-gueule:
À ceux qui nous demandent pourquoi on parle si souvent de restos "ethniques" plutôt que français, nous répondons ceci: ils constituent la majorité des établissements montréalais. Ainsi que ceux de New York, Toronto, Londres et Paris. Après avoir consulté les bottins et les listes de restos, nous nous sommes tout simplement pliés à la multitude. Majority rules!