Restos / Bars

Leméac : Sereinement classique

Manifestement, on ne va pas au restaurant pour grignoter de l’habitude. Or, ce que servent les bistrots à la mode aujourd’hui, c’était ce que l’on cuisinait chez soi il y a 40 ans. Ce que l’on cuisine chez soi aujourd’hui? Des plats préparés, des choses rapides, des grillades sur le BBQ, bref, tout ce qui se concocte en un clin d’oeil. Alors, on va au resto pour goûter de la cuisine besognée.

Manifestement, on ne va pas au restaurant pour grignoter de l’habitude. Or, ce que servent les bistrots à la mode aujourd’hui, c’était ce que l’on cuisinait chez soi il y a 40 ans. Ce que l’on cuisine chez soi aujourd’hui? Des plats préparés, des choses rapides, des grillades sur le BBQ, bref, tout ce qui se concocte en un clin d’oeil. Alors, on va au resto pour goûter de la cuisine besognée.

Le restaurant Leméac propose exactement cela, une cuisine à l’ancienne travaillée avec les moyens et la sensibilité d’aujourd’hui. C’est donc une cuisine référence à laquelle on est convié ici, d’un style très français et très classique, mais qu’on présente sans circonvolutions inutiles, sans fard et surtout sans prétention. Les goûts sont francs, les préparations toutes faites sur place, les produits frais et puisés aux bonnes sources. S’il y a eu quelques carambolages techniques depuis l’ouverture l’automne dernier, on n’en trouve plus aucune trace. Car la cuisine des chefs du Leméac a fait les bonnes universités gourmandes et livre des menus qui sont un modèle du genre à des prix parfaitement raisonnables. Qui dit mieux?

Installé dans les locaux de l’aristocratique maison de publication (de là le nom), ce resto évoque une rue tranquille de Paris, via L.A. tellement le décor est cool et aéré, un mélange d’élégance et de "casual chic" à l’américaine. Les idées neuves fusent de partout et l’on se demande comment monsieur Richard Bastien, l’un des proprios, a réussi ce coup, lui qui a si bien incarné un regard rafraîchi et stimulant sur la cuisine classique dans son restaurant de Laval Le Mitoyen et ensuite dans son Café des beaux-arts. Leméac emprunte la même voie, familière certes, mais solide et rassurante avec des idées qui ne sont pas là pour faire du bruit et jeter de la poudre aux yeux.

En fait, tout y est: dans le décor, dans le costume des serveurs, dans l’attitude informelle et sympathique du personnel de salle, dans une carte des vins étudiée avec diligence.

On commence sur des rillettes à la texture fine et faites maison; celles-ci, à la minute, étaient encore chaudes, bien grasses, luisantes et absolument savoureuses. Un tian de légumes de toute beauté – aubergines, courgettes, tomates – offre un ascendant méditerranéen normal en ces temps de mode, mais qu’on traite avec un cheddar de lait cru au goût piquant, presque anglais. On trouve aussi plusieurs petites choses comme des escargots (fraîchement sortis de leurs conques) traités en ragoût, preuve que la cuisine française, quand elle se donne des moyens, peut profiter du pittoresque sans tomber dans l’usé. En plat, le foie de veau est taillé épais et en forme de cube – ce qui permet une cuisson saignante de cette chair dense au goût légèrement ferrugineux – et se présente à la manière des cuisiniers modernes, déconstruit, à la verticale, reposant sur une purée d’oignons et de pommes de terre exceptionnellement goûteuse, beurrée, onctueuse – un régal de finesse. Rien à dire d’une sauce courte et nerveuse au parfum concentré, on sent là une signature toute contemporaine de traiter les viandes. La cuisse de canard est confite comme il se doit dans un bain de gras, et s’accompagne d’un panaché de laitues, fraîchement mêlées et nappées d’une émulsion moutardée toute classique. Ces plats sont emblématiques d’une certaine sorte de cuisine française, une rencontre entre la bourgeoise et la rustique. Ce qui n’empêche pas les cuisiniers de faire des emprunts à leurs voisins à l’occasion comme dans une poêlée de gnocchi, mais à la farine de maïs cependant, ou dans un risotto printanier aux artichauts frais, deux plats indémodables et interprétés avec discernement, confirmant le talent de cette équipe. Parlons desserts: ils sont splendides, cochons disons-le tout de suite, et absolument irrésistibles bien qu’un peu denses en sucre. Ce qu’on leur pardonne étant donné la dent que l’on a, bien sucrée. Une tarte au citron exceptionnelle, une assiette appelée pain perdu au caramel qui n’a rien de bucolique, et un gâteau aux pacanes à l’accent un peu américain, servi avec des bananes caramélisées, tous très très convaincants.

Ignorez ceux qui vous diront que c’est cher, ça ne l’est pas pour une telle qualité (le midi, on offre une table d’hôte à moins de 18 $). La cave est musclée, on s’en doute bien, et le service comme on l’attend des grandes maisons situées en campagne, détendu, courtois, et souriant. Sans l’attitude surtout. Comptez à peu près 75 $ à deux, avec les taxes et le service avant le vin.

Bémol: Par un curieux hasard d’acoustique, manifestement imprévu, les sons voyagent beaucoup dans ce lieu, beaucoup et mal. Si vous êtes dans la section fumeur, gare à vos cordes vocales.

Dièse: Une cuisine véritablement impeccable. En tous points. Et c’est rare!

Leméac
1045, avenue Laurier Ouest
270-0999