Restos / Bars

Ermitage : Le (bon) vieux temps!

Le végétarisme n’est pas communément une habitude russe. Un Russe mourrait de honte s’il ne pouvait offrir de la viande à son invité. Un pape romain écrivait d’ailleurs au XVe siècle qu’"un Russe, ça mange cinq fois plus de viande qu’un Italien"! Résultat: la cuisine du pays de Poutine (sans blague) n’est pas reconnue pour sa légèreté.

Le végétarisme n’est pas communément une habitude russe. Un Russe mourrait de honte s’il ne pouvait offrir de la viande à son invité. Un pape romain écrivait d’ailleurs au XVe siècle qu’"un Russe, ça mange cinq fois plus de viande qu’un Italien"! Résultat: la cuisine du pays de Poutine (sans blague) n’est pas reconnue pour sa légèreté. Ni pour son inventivité, n’ayant à peu près pas changé depuis trois siècles. Or, les Russes sont réputés pour leur esprit de résistance: aux tsars; aux Allemands; à l’hiver, aux pannes de courant; à la vodka, ce qui s’exprime surtout par leur capacité d’en boire et d’en boire.

Je ne me souviens plus qui disait que la nostalgie n’est plus ce qu’elle était, mais ce n’est pas le cas au restaurant Ermitage, russe de son état. Ici, la nostalgie compose le décor, l’ambiance et la carte. Le lieu est absolument insolite. On se croirait dans un salon de banlieue, circa 1970. Les fenêtres sont habillées de tulle blanc, et cachent un intérieur languissant dans le passé, qu’éclairent des lampes de faux cristal au plafond et sur les murs; les fleurs de plastiques animent les toilettes, la bonbonne d’aérosol au sapin trône sur le lavabo. Et des peintures d’hiver russe ornent tous les murs. C’est qu’ils sont habitués au froid, nos révolutionnaires (et la climatisation fonctionne à tire-larigot bien qu’il caille dehors). Pourtant, tout est Spic’n’Span, impeccablement propret malgré l’air décati du lieu. L’oppression du décor se fait déjà un peu moins sentir.

La patronne est en salle et susurre des détails sur les plats qui reflètent cette tour de Babel qu’était autrefois l’URSS dans un français ravissant avec des accents virils. La carte préparée par le patron propose des spécialités d’hiver que l’on mange à longueur d’année et qui ont un air vaguement familier: roulade de veau, boeuf stroganoff, bortsch, fricassée de porc, chou braisé. Nous choisissons le menu gastronomique, facturé 55 $ par personne mais amplement suffisant pour deux (si ce n’est trois) qui propose un assortiment généreux de spécialités locales. C’est pas mal, les calories, mais faut pas se tromper de saison ni de décennie tout de même! La première assiette se compose de poissons fumés, saumon (exquis et fumé sur place) servi avec de l’aneth frais et des grains de poivre rose, de l’esturgeon, du thon et de l’anguille, cette dernière restant une grande méconnue de nos eaux, un poisson à la chair pourtant divine, délicate et savoureuse. L’assiette suivante comprend quatre types de raviolis slaves cuits à la vapeur et farcis de porc haché, de chou ou de fromage, qui se mangent avec une bonne cuillérée de crème sûre, et c’est tout à fait délicieux. On fait suivre d’une coupe de sorbet (sucré) au citron, arrosé de vodka (hip!) "pour faire de la place", selon la patronne. De la place, il n’y en a plus dès que se présente le zrazi de veau, en roulade avec des oeufs durs, des champignons, des poivrons, au goût un peu doux et sucré sur une sauce à l’orange, que l’on sert avec beaucoup de pommes de terre et plein de légumes bouillis, brocoli, carottes, haricots. Pas délicat? Pas grave! ça goûte la cuisine de nos tantes, version années 60. On en remet avec une crêpe farcie de fromage et de raisins secs, nappée d’un coulis de fraises décongelées et servie (encore) avec de la crème fraîche. Après ça, on roule jusqu’à la maison. Tout ça est un menu pour une personne! Comptez environ 65 $ pour ce repas titanesque, pour deux (peut-être trois) avec les taxes et le service. Parfait pour les gros mangeurs en tout cas.

Bémol: Ce décor, oh là là!

Dièse: Habituellement banale à hurler, la cuisine russe est ici généreuse, bonne et réjouissante. La patronne est exquise.

Ermitage
5001, chemin Queen Mary
735-3886

AMUSE-GUEULE:
Le week-end du 14 juin, le Festival de Warwick entamera sa huitième édition. Au milieu des splendides pâturages de montagnes des Cantons-de-l’Est, les amateurs de caillés de toutes sortes pourront se goinfrer sans se sentir coupables puisque l’événement ne dure que deux jours. Histoire de montrer que la tradition du fromage est belle et bien vivante chez nous alors qu’on la croyait moribonde, il y a 20 ans. Quelle renaissance! En tout cas, l’événement est fort sympa (avec des concerts, des ateliers de dégustation, des cours de cuisine, des conférences) et organisé avec beaucoup de soin et de détails. À deux heures de Montréal. Pour information: (819) 358-4316.