Si votre dernière visite date de plus d’un an, vous lisez sur un ton exclamatif: "Les pizzas sont arrivées!" Elles sont sept et s’alignent sagement sous vos yeux: la "Napolitaine", la "Marguerita" (sauce tomate, anchois, gruyère, parmesan, origan), la "Mimosa", la "Frivolité du chef"… À vrai dire, cette nouveauté remonte à plusieurs mois. Nous avions l’intention de dîner sur la terrasse, car le soleil nous a improvisé une journée superbe. Mais d’autres, plusieurs autres ont eu la même idée – et un peu plus tôt que nous. Retardataires résignés, nous voici réfugiés dans une aile de la salle à manger, mon amie sur une banquette sombre à fleurs, moi lui faisant face sur une chaise droite. Les clients sont tout aussi nombreux à l’intérieur. Boiseries sombres, pans de verre, touches de vitrail, éclairage discret et coloré composent un décor reposant pour l’oeil autant que pour l’esprit. La faim qui nous a amenés là se manifeste bruyamment et m’interroge sur son avenir. Je lui laisse le choix des moules poulette, terrine de gibier, poêlée de légumes tièdes, farfalle, surprise de veau Maguire, steak de flétan, longe d’agneau, côte de veau de Charlevoix… Quant au menu du midi, offert aussi aux "dégus-tôt", il énumère prosaïquement ses "pastas della casa", salade César, baguette de prosciutto et brie, roulade de veau farcie et brochette d’agneau à la sichuan (que certains se cassent encore la tête à écrire széchuan). Me laisserais-je tenter par l’entrecôte de boeuf à l’ancienne?… Mon amie referme sa carte avec un sourire satisfait. Quand notre serveuse vient pour la troisième fois s’enquérir de notre commande, je me lance à l’improviste: filet de perche grillé – pour faire suite à la "petite entrée". J’avais cru comprendre que cette dernière se composait de moules et de palourdes à la marinière, mais elle ne comporte que des palourdes, toutes petites, délicates, délicieuses, semées à profusion de persil ciselé. À mon amie qui n’a pas pris d’entrée, j’en offre une ou deux, histoire de lui titiller l’appétit. Nous trinquons mollement au Colli Albani – mollement, car nous traînons encore avec nous, sans nous en plaindre, un peu de la chaleur de dehors. À ma gauche, au fond de la salle, la porte des cuisines s’ouvre une, deux, trois fois d’affilée, libérant des bouffées de promesses… Mon amie traduit cela en termes clairs: "J’ai faim." Et, comme si elle avait prononcé une formule magique, deux assiettes chaudes, très chaudes, se posent devant nous. Non, je ne suis pas un fervent des pastas, mais le plat servi à ma compagne s’avère prodigieusement sympathique: des linguine aux palourdes et à l’ail. Peut-on imaginer quelque chose de plus simple? C’est pourtant un régal: des pâtes d’une cuisson parfaite, un assaisonnement équilibré, un parfum qui enchante. Je m’emballe, et ce n’est même pas de la viande! "Il est bon, ton poisson?" demande mon vis-à-vis pour me détourner de son assiette. Pour un peu j’oubliais ce filet de perche grillé accompagné de frites (pas mauvaises), de "brocofleur" (quel est le tordu qui a inventé ça?) et de betteraves dont l’allure délavée va de pair avec leur goût… imprécis. Le poisson, lui, est de la première fraîcheur, cuit à point. Sa chair, délicate et feuilletée, aurait mérité un petit assaisonnement. Avec un peu de citron, de sel et de poivre, je m’emploie à pallier sa fadeur. En fait, je n’ai jamais pu apprécier ni même tolérer un poisson condimenté après cuisson. La mode "nature", très peu pour moi. Mon amie, consciente de la situation, me gratifie d’une consolation: "Au moins, on ne l’a pas bousillée, vu qu’on n’y a rien mis." J’en ris encore en terminant mon café.
Restaurant Bella Rosa
1276, avenue Maguire
Sillery (Québec)
Téléphone: (418) 683-2444
Menu du midi: 9,95 à 12,95 $
Table d’hôte: 19,95 à 28,95 $
Dîner pour deux (incluant taxes et boissons): 32,67 $