Restos / Bars

Sr. Vinho : Fadologie

Sr. Vinho (Monsieur Vin en portugais) a transplanté dans un quartier qui n’a rien de particulièrement cosmopolite une délicieuse petite table, amusante et pleine de souvenirs de vacances. De vacances au Portugal. Et dans ce pays, quand on est en vacances, on aime les grillades au feu de bois. Surtout sur les bords de mer dans des petites gargotes colorées, où l’on s’installe sur des chaises en bois, en groupe ou en amoureux. Dommage que la rue Masson ne soit pas plus  pittoresque!

Sr. Vinho (Monsieur Vin en portugais) a transplanté dans un quartier qui n’a rien de particulièrement cosmopolite une délicieuse petite table, amusante et pleine de souvenirs de vacances. De vacances au Portugal. Et dans ce pays, quand on est en vacances, on aime les grillades au feu de bois. Surtout sur les bords de mer dans des petites gargotes colorées, où l’on s’installe sur des chaises en bois, en groupe ou en amoureux. Dommage que la rue Masson ne soit pas plus pittoresque!

Du reste, la cuisine portugaise est un peu à l’image de la culture, pleine d’une sorte d’innocence mélancolique qu’on ne trouve pas dans la gastronomie de sa voisine espagnole, autrement tourmentée. Tournée vers l’Atlantique et séparée de l’Espagne par une chaîne de montagnes, cette cuisine n’a pas le côté savant et baroque qui se reconnaît chez les Ibères, les Andalous et les Catalans. Le Portugal est un pays de ruraux qui ont dû faire avec une terre rude et ingrate. Cela ne l’a pas empêché de puiser au génie de la débrouille et de créer des choses sobres et pourtant originales.

Sr. Vinho exprime bien cette candeur portugaise dans sa petite gargote. Il ne cherche pas à faire de la grande cuisine, rien que "la cuisine comme chez nous", dit-il. Avec sa gueule de toréador, cet homme élégant et austère s’allume dès que l’on prononce un mot dans sa langue (et quelle langue, mon Dieu!). Dans ce décor impeccablement propret et un peu maritime en bleu et marron, avec des tuiles sur le plancher, des azulejos sur les murs et une cuisine ouverte sur la salle d’où on aperçoit les grills et les bouteilles de vin, on ne doit pas s’attendre au délire "gaudien". La même pudeur se retrouve sur la carte, manuscrite, qui ne propose qu’une quantité limitée de viandes et de poissons, tous passés à la braise ardente. Mais c’est très bien ainsi, puisque les Portugais sont passés maîtres dans l’art du poulet grillé, du bacalau (la morue salée et dessalée, puis recuite au feu de bois) et des poissons frais pêchés, passant de la mer à la poêle en quelques heures. En somme, ceux qui aiment les choses simples nous ramenant à un passé moins désordonné devraient apprécier ce type de cuisine puisqu’elle respecte d’abord les produits.

En entrée, on propose le caldo verde, "le bouillon vert", et telle la soupe à l’oignon des Français, c’est le plat "emblème" au pays. Un bouillon sans bouillon en fait puisqu’on le cuit à même l’eau des pommes de terre un peu pilées, à laquelle on ajoute une sorte de chou vert, un peu de jambon et des morceaux de chorizo. Il faut l’agrémenter d’un peu de sel, d’un trait d’huile d’olive, puis tremper le pain au maïs légèrement spongieux, le broa, dont on devient vite accro, et il devient un plat satisfaisant. Au Portugal, on mange souvent les sardines fraîches en sandwich; vous les aurez ici en plat, au nombre de cinq, cuites à même le papier alu et servies avec des pommes de terre vapeur qu’on doit napper d’huile d’olive et de quelques gouttes de vinaigre. Elles ont un goût franc d’océan, bien iodées et sont juste assez cramées pour que la peau soit croustillante. Mais c’est surtout le poulet grillé, en quart ou en moitié, mariné, la peau craquante et pleine de parfums, absolument succulent, qui remporte la palme. On le sert tout nu avec des frites comme celles que faisait ma mère, pelées à main, frites à la minute. La carte propose aussi le poisson du jour et le bacalau, bien entendu, mais on peut aussi choisir du porc ou des côtelettes d’agneau traitées avec la même diligence incendiaire, ou un sandwich. En dessert, on trouve les natas (prononcez "nataïche"), les tartelettes aux oeufs et à la crème dans une pâte un peu effilochée et moite, incontournables aussi.

Sr. Vinho est donc le genre de petit troquet dont on a bien besoin pour contrer la reproduction déprimante des fast-foods dans les quartiers excentrés: cuisine simple, sympathique et honnête à sa manière. Le service est tout à fait dans le ton et le vin rouge, un peu trop chaud. Comptez 45 $ à deux avant le vin avec les taxes et le service.

Bémol: La fumée qui se dégage du grill crée une atmosphère certes typiquement méditerranéenne, mais rue Masson, un meilleur ventilateur préviendrait bien des visites chez le nettoyeur!

Dièse: L’authenticité du lieu, la simplicité, et des prix honnêtes.

Sr. Vinho
3750, rue Masson
729-3171