Après les discours de circonstance, apéros et petits sandwiches suivent, jusque sur la terrasse arrière, la foule mouvante venue fêter le 14 juillet au Musée du Québec. Il fait un temps superbe de soleil et de bonne humeur. En repartant, nous transitons par la grande salle transformée en piste de danse. Un tour de valse, et nous franchissons la sortie. Puis c’est la longue marche jusqu’à l’auto – ça vous creuse un estomac! – et la réalité bruyante des soirs d’été, hurlements de pneus et pétarades de motos. Le Poisson d’avril est donc, en comparaison, un havre de paix où nous jetons l’ancre sans regrets. On y fête aussi, mais sous une autre forme: la casquette en bataille et l’accordéon joyeux, Bernard Cimon pousse la chansonnette, semant de table en table un trait d’humour, un peu de gaieté, un brin de nostalgie. Le restaurant est bondé. Plusieurs groupes nous entourent, bavardant ou riant, leurs assiettes hérissées de moules ou de pattes de crabe. Le mur du fond s’orne toujours d’un énorme espadon, emblème indétrônable de ce resto. Des abat-jour semés de petits poissons coiffent les lampes posées sur la balustrade, celle-là même qui, à quelques pas devant moi, supporte une sirène figurant l’étrave d’un navire. Dans un environnement pareil, embaumé de marée fraîche, d’herbes et de sauces au vin, qui songerait à demander un steak ou du poulet? Cela peut arriver. La carte permet d’ailleurs de commander différentes combinaisons de viandes et de crustacés, des entrecôtes, de l’agneau, des tortellini à la piémontaise… Elle s’avère plus prolixe, toutefois, en ce qui concerne les moules (qui se tapent un succès monstre ce soir!), la bouillabaisse provençale, le crabe des neiges vapeur, les calmars frits, couronnes de crevettes, tartare de saumon, pavé de flétan, sans oublier la fameuse "Assiette du commodore" dont j’avais fait mes délices l’an passé. Nos commandes passées, mon invitée se fait servir un verre de Bin 222. Je me rabats pour ma part sur un riesling Hugel, choix à demi malheureux, car ce vin se révélera un peu trop… costaud pour mon plat de résistance. Mais nos entrées? Une savoureuse soupe de poissons que mon invitée mange avec l’avidité des grands jours, ne ménageant ni croûtons, ni rouille, ni fromage. Le parfait équilibre de l’assaisonnement lui vaut tous les superlatifs qu’il me reste – après ceux dont je gratifie mes "huîtres de Caraquet en friture". Dire que j’avais hésité avant de leur donner… une chance. Ils ont l’aspect de grosses pépites d’or et, au premier coup d’oeil, on redoute une panure excessive, lourde, grasse. C’est tout à fait le contraire et la surprise est de taille. Qui plus est, chaque pépite n’attend qu’un coup de dent ou de couteau pour "purjuter" tout son soûl dans la bouche ou dans l’assiette – libérant d’un coup l’huître dodue que l’on gruge comme par réflexe et un jus délicieux, abondant, puissant comme une liqueur. On flotterait volontiers dans cette griserie pendant un bon bout de temps, mais le service se précipite un peu trop. Tandis que la serveuse enlève nos assiettes, un serveur attend déjà derrière elle avec nos plats de résistance. "Drôlement rapide!" dis-je, espérant le message enregistré. Bref, un bol de moules au saumon fumé atterrit devant mon invitée, qui n’a pas souhaité en prendre "à volonté". Voilà notre table enrobée d’un fumet envoûtant qui me subjugue de manière si évidente que j’ai droit aux premiers mollusques – bien en chair, moelleux, parfumés, mouillés d’un bouillon qui vous lave de tous vos péchés. Devant moi se déploient en éventail neuf langoustines de belle venue, grillées, nappées d’un beurre blanc qui se répand un peu (trop peu) autour. Les petits légumes sont parfaits, accommodés au beurre. Le riz blanc n’est pas mal non plus. Mais les langoustines sont ma déception. Plutôt coriaces. Le beurre blanc, quoique réussi, parvient à peine à me les rendre sympathiques. Cela sent bon, pourtant. J’en refile une à mon invitée et, en bout de course, en laisse deux dans l’assiette – moi qui pourrais, en d’autres circonstances, m’en taper une douzaine sans sourciller. À peine ai-je repoussé ladite assiette que le serveur se précipite pour débarrasser la table et, le temps d’un aller-retour, nous apporte la carte des desserts. Fulgurant, non?
Restaurant Poisson d’avril
115, quai Saint-André
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 692-1010
Menu du jour à partir de 8,95 $
Tables d’hôte à partir de: 24,95 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons) : 79,71 $