Bien que le Sri Lanka soit une île à la pointe sud de l’Inde, sa culture, son économie et surtout sa cuisine se sont développées d’une manière assez distincte. Mais la chose la plus marquante de cette cuisine à peu près inconnue chez nous est son niveau de combustion. Attention, danger!
C’est donc étonnant que le patron de l’un des rares restaurants sri-lankais de Montréal se soit modéré dans la confection des spécialités de son pays. Ses plats sont raisonnablement épicés, les saveurs n’étant pas complètement neutralisées par l’usage outrancier des chilis. Car au Sri Lanka, ça grille. Demandez-le aux indigènes eux-mêmes qui insistent pour que le patron en remette. Pour nous, c’est très bien comme ça. Nous préférons garder nos papilles intactes!
Cuisine insolite, délicieuse quand elle est bien faite et très originale, elle est basée sur un remarquable éventail de goûts: le doux, le salé et l’âcre surtout. Juxtaposée en des plats variant considérablement, elle fait aussi appel à des ingrédients et des techniques de plusieurs cultures puisque ce pays a toujours accueilli et assimilé les étrangers avec une aisance bien bouddhiste – jusqu’à tout récemment. Ainsi, la friture est arrivée avec les Portugais, le thé avec les Anglais, le caramel avec les Hollandais.
Laissons de côté la politique et concentrons-nous sur le menu de ce Jolee, dont le nom en Tamil signifie "Joie"! On a récupéré un ancien resto viet que l’on a à peine retouché de quelques bricoles. Les nappes sont restées, l’ambiance proprette aussi, mais les autels bouddhistes ont fait place aux figurines hindoues. Au menu, beaucoup de currys d’origine nordique, poulet au beurre, curry à l’agneau, au boeuf et au poulet, mais traités avec l’armoire à épices du Sud, transformés en plats méridionaux par un usage libéral de noix de coco, de cardamome, de lait caillé et de chilis. Plus intéressant, les dosas sont de très grandes et très croustillantes crêpes de farine de riz légèrement fermenté que l’on poêle (souvent au beurre, avec un résultat succulent du reste) et que l’on sert farcies de curry de pommes de terre et d’oignons. On la propose aussi nature, et le procédé de la napper d’une sauce aux légumes, plutôt aigre, appelée sambar et d’un peu de chutney à la noix de coco et à la coriandre fraîche lui donne une note acide. Les idlis sont servis avec la même sauce et s’apparentent à des beignets de riz, aigres aussi, un déjeuner classique là-bas. Les petites fritures – bajis et vadas – de farine de pois chiches ou de lentilles épicées sont délicieuses, elles évoquent la nourriture de plage brésilienne. Le kottu est un hachis de pâte de riz mêlé à des légumes, frit et assaisonné, peut-être idéal par temps froid mais un peu lourd en canicule. C’est aussi le cas des byrianis, un plat de riz frit, interprété avec la fougue pimentée habituelle. Si vous voulez quelque chose de vraiment différent, le string hopper (intraduisible), une autre sorte de beignet mais de riz rouge cette fois, s’accompagne d’oeufs, de curry et de viande. On mange ça avec les mains, sans ustensiles, mais soyez avisé qu’avec nos pinces maladroites, nous perdons toute élégance à table. Heureusement, l’endroit est informel et sert une clientèle installée là ou sur la terrasse, ou en attente de take-out, et qui semble indifférente à nos vicissitudes. En outre, ce n’est pas cher, très bon et parfait pour une expérience exotique assez peu risquée au fond. Comptez 45 $ à trois, tout compris, bières, taxes et service.
Jolee
5495A, avenue Victoria
733-6362
CAFÉ CULTURE
Ana Maria est bahianaise. Ce qui en soi traduit certaines choses: elle a du sang africain et sa culture est tout à fait distincte de celle des habitants de Rio. À Bahia, on mange épicé, on aime les percussions davantage que la bossa-nova, et la vie est généralement plus nonchalante. Dans son petit troquet orné de photos et de bricoles "pro-futebol" de l’avenue du Parc on s’en rend vite compte. Il ne faut pas être pressé. Si en revanche vous vous la coulez douce, vous découvrirez les petites spécialités de là-bas ("petites" est un bien grand mot dans ce cas, les portions étant énormes): la feijoada, le cassoulet brésilien, dont un ami indigène m’assure que c’est la meilleure en ville – voire la seule qui soit authentique. La patronne change les plats de son menu à sa guise, un week-end il y aura de la moquequa ou le vatapa de poisson, mais elle offre en permanence des bouchées de crevettes ou de haricots excellentes, des jus de fruits de toutes sortes – lime et melon, un must! Et ce n’est pas bien cher pour un petit trip sous les tropiques, samba et beaux accents langoureux inclus. 30 $ à deux tout compris.
Café Brazil
5390, avenue du Parc
270-7001