Restos / Bars

Café du Roi : Table de conversion

Des mets exquis, un luxe raffiné, une atmosphère de pure sérénité: l’expression "fine cuisine végétarienne" prend ici tout son sens, car il n’existe rien de comparable dans la  région.

D’abord, une amie m’en a parlé à coups de superlatifs. Elle avait visité les lieux, mais n’y avait pas encore mangé. Puis je reçois un coup de fil d’un lecteur qui me vante les mérites de ce resto et, entre autres, me décrit une assiettée de pieds de champignons: "On jurerait du porc!" Après cela, les courriels de deux lectrices enchantées par le Café du Roi, sa cuisine, l’ambiance… L’une d’elles signale qu’elle n’entretient aucun rapport professionnel ou amical avec les proprios de ce tout nouveau restaurant asiatique – taïwanais, pour être précis. Après force tergiversations, je consens à trois exceptions: donner suite à cette quadruple demande; prendre un repas végétarien; me résoudre à mettre les pieds dans un établissement où l’on ne peut fumer. (Si ces derniers mots dérangent quelques personnes, j’assume.) Ce soir, donc, je bois à la santé de ceux qui m’ont refilé le "tuyau"… Nous choquons l’un contre l’autre nos grands verres de "jus pour la vie": j’ai choisi un spécial pour le chi (persil, carottes, épinards, coeur de céleri); celle qui m’accompagne a préféré un punch aux fruits (orange, carottes et pommes) – pour la beauté et la digestion, dit la carte qui propose aussi le cocktail desintoxicant, le cocktail aux carottes (pour les yeux fatigués), le Spa express beauté et quelques autres. Ces boissons fraîches, naturellement sucrées, nous sont peu habituelles à pareille heure dans un restaurant de ce calibre. Et pourtant, elles nous semblent aller de soi. La sérénité des lieux y est pour quelque chose, sans doute. Nous prenons place au bord d’une fenêtre, moi tournant le dos à une fresque magnifique qui couvre le mur du fond contre lequel s’appuie l’escalier conduisant à l’étage. Au pied de cet escalier se dresse un autel consacré à la cérémonie du thé. Plusieurs plantes vertes en pots en font presque le tour, posées à même le sol. Un peu derrière moi, sur le mur de droite, une prière séculaire, dûment encadrée sous verre, évoque les courants d’énergie reliant la Terre au Ciel. Nous parcourons et commentons la carte, mon amie et moi. Presque recueillis; en tout cas intrigués, la curiosité à vif. Tout à coup, nous percevons un léger bruit mat suivi d’un roulement doux. Je me retourne un peu, je me penche: un citron vert minuscule est tombé de son plant et a roulé pour venir s’immobiliser contre une patte de ma chaise. "C’est un heureux présage", commente notre serveur venu s’enquérir de nos besoins et nous expliquer ses mango sushis et nigili sushis (pochettes de soya farcies), ses futo maki sushis (épais sushis roulés), ses rouleaux californiens. Avocat, seitan, soya, riz, tofu, nouilles, algues et autres composent ces mets dont la délicatesse ne fait aucun doute, mais que j’ai tout de même hâte de goûter, sceptique que je suis jusqu’ici. On retrouve, parmi les plats principaux, des pleurotes sur nid croustillant, de la crème de pommes de terre aux flocons de soya, un mélange de tofu avec légumes et piments forts, du riz frit aux ananas et flocons de soya. Suivent diverses garnitures pour le riz: légumes et champignons au curry, sauce au poivre noir avec pieds de champignons à la vapeur, le katsudon que je n’arrive pas à "comprendre". Mon amie partage avec moi, sans mot dire, les délices d’un bol de soupe (wonton de seitan, enokis et champignons noirs) délicatement parfumée que nous voyons s’épuiser à regret. On lui apporte ensuite un riz au jambon végé: cuit à point (donc, digestible), savoureux, semé de maïs en grains, de petits pois et de ce qu’on croit vraiment être du jambon en raison de la couleur, du goût et de la texture. C’est, jusqu’à ce jour, ce que j’ai mangé de meilleur dans le genre. Mon plat à moi: ces pieds de champignons qu’on m’avait décrits. Ils sont là, nombreux, de couleur brun foncé, appétissants, légèrement parfumés de gingembre et avec un tout aussi léger goût de coco. Sous la dent, sur la langue, on jurerait de la viande de porc. Après chaque bouchée, je salive comme pour me préparer à la suivante. Si bien que mes instincts de carnivore se déclarent trahis. Un plat de légumes aux piments (ou plutôt l’inverse!) se pose enfin devant mon invitée. Elle me le décrit, à moi qui n’ose en tâter. Et la voilà bientôt qui souffle et halète comme elle le souhaitait. Céleri, carottes, champignons, tout brûle et l’enchante. Sitôt qu’elle a déclaré forfait, on lui propose un doggie bag pour le reste. En sirotant nos cafés, nous laissons passer, passer le temps. Quand on se sent si bien, pourquoi se hâter de retrouver la cohue?

Restaurant Café du Roi
966, boulevard René-Lévesque Ouest
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 687-0660
Menu du midi: 9,99 $
Table d’hôte "Combo": 14,99 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 56,34 $