Restos / Bars

Sariling Atin et Chino Soul : En famille

L’immigration a donné deux choses importantes à notre ville: de la couleur et de la cuisine. Dieu merci!

La plupart des restos qu’on dit souvent "ethniques" sont en fait des troquets destinés à satisfaire la nostalgie des vieux pays. La cuisine est si authentique, que les Montréalais ont de la difficulté à s’y habituer: trop piquante, trop insolite, parfois faite de produits médiocres ou, pis, de morceaux de viandes ou de parties d’animaux qui, là-bas, constituent l’ordinaire mais qui, ici, prennent d’ordinaire le chemin de la poubelle. Quand il y a une ambiance, c’est souvent celle composée par les gens qui fréquentent l’endroit. Pourtant, ces lieux excentrés, s’ils ne remplissent pas ce à quoi on s’attend d’un bistro exotique, ne sont pas sans intérêt, au contraire. Voici deux petits troquets rigoureusement authentiques, tenus par des familles ultra- sympas et qui donneront un coup de fouet à vos habitudes. Si vous osez…

Sariling Atin

Ouais bon, c’est vrai, de l’extérieur ce restaurant n’a pas très bonne mine. De l’intérieur, c’est encore pire. Mi-épicerie, mi-snack-bar. Une télé qui trône au milieu de la salle, projetant des vidéos catapultés directement des Philippines, annonce tout de suite les couleurs. Ici, c’est la diaspora de Manille qui cherche les petits plats de la terre natale, et ici, on s’exprime en tagalog et en américain. Cette cuisine est au carrefour de vieilles recettes espagnoles – adobo, escabeche, lechon, riz à la catalane – croisées aux produits d’Asie, la sauce de poisson, les piments forts, les nouilles de riz. Tout est servi derrière un comptoir à emporter, tout est authentique et rien n’est vraiment cher. Le midi, le choix est plus considérable et la queue tout autant. On trouvait, ce midi-là, un ragoût de porc et de sang de porc, assez inusité et goûteux, des nouilles sautées, une sorte de paella tropicale aux crevettes, et plusieurs ragoûts de légumes et de porc, décliné en toutes ses parties, de la tête à la queue en passant par les pattes. Notez cependant que tant l’accueil que le service sont d’une remarquable courtoisie et gentillesse. Pour une petite dose d’exotisme bon marché. Comptez tout au plus 30 $ à trois, incluant des jus de lychee ou de noix de coco en conserve.

Sariling Atin
5940, avenue Victoria
731-0638

Chino Soul

Encore un autre de ces lieux modestes où la cuisine est souvent l’excuse pour les expatriés de rêver à leur contrée lointaine. Cette fois, des patrons laotiens et antillais ont inspiré un hybride où l’atmosphère reste celle créée par la clientèle. Qu’y a-t-il de commun entre le riz gluant, la salade de papaye et le "soul food" des Antilles anglaises? Pas grand-chose, sinon l’âme des tropiques. Le service est sympa mais la cuisine a besoin d’un peu de besogne: le lap, une salade de poulet haché aux épices et aux herbes, est fait d’entrailles et de cartilages de volaille. Une sorte de ragoût de poulet cuit dans une feuille de banane serait intéressant s’il n’était constitué que d’os et d’un peu de chair, et si le riz gluant était un peu moins froid et sec. La salade de papaye est plus fine et les ailes de poulet frites, légères et délicieuses. Manifestement, cet endroit est en réorganisation, pas le meilleur moment pour un critique de s’y présenter. Humble avec sa petite terrasse avec vue sur la circulation humaine de l’un des quartiers les plus bigarrés de Montréal. 20 $ pour deux, tout compris.

Chino Soul
6490, rue Victoria
736-2233.

Amuse-gueule
Johnny Hallyday est bien connu de nos parents et de nos grands-parents. Mais il est loin de jouir ici de la popularité – que dis-je – de la glorification qu’il suscite chez lui. Hallyday est un héros au même titre que Maurice Richard. Mais pas pour les mêmes raisons. Question cuisine, monsieur a financé un excellent restaurant, La Rue Balzac, dans le très chic VIIIe arrondissement de Paris, qu’il fréquente régulièrement avec tout le show-business parisien. C’est suffisant pour qu’une clientèle s’y présente. Toutefois, ce n’est pas pour cette raison qu’elle lui est fidèle. Ce serait plutôt à cause de son chef, Yann Roncier, un formidable cuisinier, inventif et audacieux, qui souffle des idées à ceux qui en sont dépourvus. Il s’est rendu chez Alexandre avec sa carte nous en donner une bonne idée pour les deux prochains mois. Ses plats sont non seulement très bien troussés mais ils sont un peu fous, avec des saveurs qui ne vont pas toujours dans la direction qu’on leur connaît et une esthétique à la fois kitsch et charmante. Un repas devrait tourner autour de 45 $ par personne, tout compris.

Alexandre et Fils
1454, rue Peel
288-5105