Restos / Bars

Napa : Dépaysant!

Napa, cuisine du 39e parallèle, comme la vallée californienne où sont produits les meilleurs vins des USA, comme les grands jardins qui nourrissent le continent en entier sur des fermes aussi vastes que la Suisse!

Sur l’avenue du Mont-Royal, on a vu naître beaucoup de restos, du bien et du moins bien. Mais on voit que la popularité du Plateau (et le revenu moyen par tête de pipe) attire les courtisans. Dernier-né du lot, Napa, cuisine du 39e parallèle, comme la vallée californienne où sont produits les meilleurs vins des USA, comme les grands jardins qui nourrissent le continent en entier sur des fermes aussi vastes que la Suisse! Cette Californie-là a aussi donné Alice Waters qui a révolutionné la cuisine et lui a accolé le suffixe "californienne" au début des années 70.

Pourtant, chez Napa, avenue du Mont-Royal, on semble s’être inspiré davantage des recettes des magazines américains que du jardin. La cuisine cherche à bousculer les conventions. Mais sait-on ici que les restos de la vallée de Napa proposent plutôt des mets à base de produits ultra-frais et dont les sauces sont souvent inspirées par les vignobles? Et une cuisine plus dépouillée et italianisante que tarabiscotée et syncrétique, façon L.A.?

Ici, on nous sert donc des préparations approximatives et maquillées, dont on se demande après les avoir mangées si le chef les a lui-même goûtées. On a franchement l’impression qu’il monte ses assiettes à tâtons: ça manque de sel ou c’est trop sucré, les parfums sont complètement incompatibles. C’est dommage, car l’endroit est assez beau avec son décor clinique, un brin seventies, et le personnel de salle qui fait beaucoup d’efforts pour vanter les qualités d’une cuisine qu’on veut différente. Peine perdue à ce stade, les plats qui se présentent manquent de précision, bien que la carte dévoile quelques idées au passage.

Ça commence sur une minuscule avec une crème de légumes banale et fade. Enfant pauvre des restos quand on ne sait pas quoi faire, on passe les restes de légumes au mélangeur et hop! Elles ont toutes le même goût, peu importe le resto. Si on lui avait ajouté un filet d’une très bonne huile d’olive, un peu de persil haché fin, un concassé de tomates pour lui donner quelque charpente. Mais non. On la présente toute nue, triviale et simplette. La salade est plus inspirée, nappée simplement d’une émulsion vaguement sucrée par l’usage de moût ou d’un vinaigre doux. On a fait gicler une purée de poivron rouge rôti autour, ce qui lui donne un peu de couleur.

On continue dans l’hyperbole, le n’importe quoi affecté: des dés de polenta, grillés, enroulés dans du prosciutto et servis sur une sorte de salsa de pommes vertes, émulsionnée d’une huile sans goût. Le contraste violent du parfum de la menthe séchée à même la polenta et de la douce salsa de pommes est indéchiffrable et incompatible: mentholé, sucré de la pomme, gras de la polenta et du jambon. En plat, les poissons sont mieux parachevés, la lotte braisée dans un jus de fenouil est bonne et le jus bien franc, bien que la couleur du plat ne soit pas appétissante et que la texture de la sauce soit grumeleuse; l’accompagnement d’asperges et de carottes contraste heureusement avec le manque de tonicité. On sert aussi un peu de riz. Mais du riz? Le mahi-mahi grillé est réussi, même si la sauce au maïs rôti est des plus insolites, le goût rappelant un peu la cacahuète. Sa belle couleur jaune souligne le rosé de la chair du poisson, saisi à point. Cela dit, les courgettes, l’aubergine et le pleurote grillé sans sel ne présentent absolument aucun intérêt d’un point de vue gastronomique. Connaît-on l’usage du sel marin dans ces eaux? Sait-on qu’un légume cuit sans sel n’a aucune saveur?

Un gâteau à la polenta (en fait, à la farine de maïs, la polenta étant le plat fini et non l’ingrédient principal…) et à l’ananas rôti montrait les mêmes défauts de finition. Le gâteau est cramé au chalumeau après avoir cuit, les fruits sont ultra-carbonisés au point de n’être plus reconnaissables; seul le délicieux caramel dont il est nappé apporte quelques notes de réelle douceur. On dirait un gâteau fait sur un feu de camp!

En dépit de son air pasteurisé, ce resto prend des risques mais tombe dans le piège d’une cuisine d’effet. Comptez 75 $ pour deux repas avec les taxes et le service, avant le vin.

Bémol: La carte des vins – pour un resto qui porte le nom de la principale région vinicole américaine – est d’une pauvreté ahurissante, un ou deux crus californiens et rien de très original, un alsacien, quelques bordeaux ordinaires et facturés haut la main: 11,50 $ pour un verre d’un pinard bon mais sans plus.

Dièse: Le service est efficace et humain, sans affectation même si les serveurs ne connaissent ni le vin, ni le service du vin, ni même la cuisine. Mais au fond, tant qu’ils sont beaux et fins…

Napa

1200, avenue du Mont-Royal Est

528-0768