Restos / Bars

La Maison du canelé : Art sucré

Le coeur tendre et une robe de caramel: on craque pour elle à tout coup. D’aucuns qualifient même d’"inestimable" ou de "divine" cette pâtisserie née on ne sait quand.

Imaginez une Union libre des villes et villages de la Belle Province. "Qu’est-ce que vous avez que nous n’avons pas?" demanderait celle qui joue Christine Bravo. À quoi le représentant de Québec répondrait tout simplement: "Le canelé." On entendrait peut-être fuser quelques "quessé?" dans l’assistance. Ce petit gâteau, dont l’orthographe même présente une singularité, s’appelle aussi "canelé bordelais", mais plus officiellement "canelé de Bordeaux". On lui attribue sous toute réserve des ancêtres, le canelat (ou canelet) et la canaule (ou canole). Et rien de moins attesté que ses origines. Une légende le fait naître au XVIe siècle chez les Annonciades de Bordeaux, ce que contredit toutefois l’un des sites qui lui sont consacrés sur le Net. Il y a environ deux ans, plusieurs de ceux qui ne le connaissaient pas encore le découvraient au marché du Vieux-Port. La responsable de l’étal vous en vendait quelques-uns après vous les avoir fait goûter, mais ne vous fournissait aucun détail permettant de retracer le pâtissier qui les confectionnait – celui-là même que j’ai eu le plaisir de rencontrer au cours du mois de juillet: Olivier Motard. Né de parents boulangers et pâtissiers, ce jeune et dynamique Bordelais n’a pas appris l’art du canelé au cours de ses études normales de pâtisserie. L’un de ses professeurs, membre de la Confrérie du canelé, l’y a initié à temps perdu, pour ainsi dire. (Rappelons, pour l’anecdote, que c’est au moment de la fondation de cet organisme, le 24 mars 1985, que le mot cannelé perdit un n – sans doute pour faire un pied de nez à l’Académie.) C’est que cette spécialité jouit d’un certain prestige et, donc, occupe une place à part: elle exige un tour de main particulier, sans quoi les recettes qu’on trouve un peu partout (y compris sur le Web) ne valent pas grand-chose. Le moule (de cuivre étamé ou parfois d’aluminium) a lui aussi ses particularités, qui ne se résument pas aux cannelures de son pourtour et à sa forme plus ou moins tronconique. "On me les fabrique sur mesure", explique Olivier Motard. Il lui en faut sans cesse, au rythme où croît la demande. Il rectifie peu après, songeur: "Je devrais dire… fabriquait, car l’artisan qui me les fournissait a pris sa retraite. Je n’arrive toujours pas à le convaincre…" Sous-entendu: de rouvrir son atelier. Il lui faudra bien trouver une solution à court ou à moyen terme. La Maison du canelé, fondée à Québec en 1998, sans battage publicitaire, approvisionne aujourd’hui près d’une vingtaine d’entreprises – hôteliers et restaurateurs de la côte de Beaupré, de Québec, de Sainte-Foy, de Beauport et de La Malbaie. Si l’on ajoute à cela les particuliers, qui, en comparaison, représentent une part tout de même faible de sa clientèle, on comprend qu’Olivier Motard envisage de renoncer un beau jour à ses croissants, brioches, chaussons italiens, tresses vendéennes, danoises, galettes, tartes, pâtés, tourtes, millefeuilles, gâteaux, pièces montées, confitures, gelées, ketchups et moutardes qui garnissent ses réfrigérateurs et ses comptoirs. Pour se consacrer entièrement au canelé. D’ailleurs, on devrait plutôt parler de ce petit gâteau au pluriel. En France, certaines maisons vous en produisent toute une… hiérarchie avec, au sommet: le canelé d’or, qui se déguste flambé. Elles vous les livrent n’importe où en Europe en moins de 24 heures: sobres d’allure ou bagués d’or, dans un emballage simple ou luxueux. Ils sont petits, moyens ou gros; clairs ou foncés, plus ou moins croquants à l’extérieur et invariablement moelleux à l’intérieur. Un véritable concentré de gourmandise! Ils sont, à l’origine, aromatisés de rhum brun, mais, de son côté, Olivier Motard propose aussi d’autres saveurs: épices et citron, fleur d’oranger, quatre-épices. Sa dernière création, aux tomates et basilic, sera bientôt commercialisée. Sur le plan de la présentation, il reconnaît que ses emballages sont encore modestes: les mêmes que pour toute autre pâtisserie fine. Ils sont par contre bien différents, c’est-à-dire surtout pratiques, quand il s’agit de livrer à un restaurant ou à un hôtel des boîtes de 144 petits canelés (ou 60 gros) chacune. Les contenants chics et les canelés emballés individuellement, ce sera pour un peu plus tard. Le pâtissier croit plus urgent d’agrandir l’entreprise et d’augmenter sa capacité de production afin de pouvoir satisfaire la demande.

M. Olivier Motard
La Maison du canelé
1000, boulevard des Chutes
Beauport (Québec)
Téléphone: (418) 661-4285