Aujourd’hui, toutefois, il y a dans la salle quelques sourires – pas des flopées, tout de même – et un léger accent lombard qui nous réchauffent un peu la soirée. Une serveuse a en effet pris la relève de celui qui nous a accueillis, parachevé nos couverts, puis servi un Floc de Gascogne à mon invitée qui se meurt de faim et de fatigue. Elle se montrera de plus très attentionnée, attentive à nos moindres réactions. Autour de nous, miroirs et boiseries composent l’essentiel d’un décor jalonné ici et là de casiers à bouteilles que je me plais à comparer à des haltes, des oasis… "Qu’est-ce que tu veux boire?" Une vraie télépathe, mon invitée. Ou simplement un esprit logique, car, nos plats une fois choisis, elle s’est donné pour mission d’éplucher littéralement la carte des vins. Mais, avant que j’aie le temps d’ouvrir la bouche, elle me lance: "Picpoul!" Un susceptible aurait répondu "Picpoul toi-même!" Moi, j’acquiesce. Elle goûte, je hume, on tombe d’accord… et nos premiers plats s’amènent. À notre demande expresse, vu que l’inanition nous guette, nos potages précèdent nos entrées. Pour moi, un simple consommé de boeuf aux petits légumes – léger, savoureux. Pour elle, une odorante, superbe, magnifique, délectable, "capotante" crème de potiron qui vous nappe la langue et vous enchante le palais. L’équilibre est parfait, et si stable que cette petite dominante de canard – sous forme de graisse ou de bouillon? – ne l’altère en rien. Cela s’arrose, dites-vous? Je n’y manque pas. Il nous reste ensuite une dizaine de minutes, peut-être davantage, pour fantasmer sur ce qu’on nous mijote en cuisine – et pour nous demander si nous n’aurions pas dû prendre la croustade de cailles au foie gras, la terrine de gibiers et ses deux confits complices, la salade de crevettes et magret de canard séché. Je récapitule ainsi, en vrac, la table d’hôte et la carte, dédiant une vague nostalgie à la côte de porc avec manchon grillé, au suprême de pintade rôtie, au mignon de boeuf poêlé (sauce périgueux au cognac), à la fricassée de pétoncles bardés de pancetta… Ah, nous y sommes! Ou plutôt, elles y sont, nos entrées. La fricassée de calmars poêlés prend tout son goût d’une marinade d’échalotes et piments d’espelette à l’huile d’olive vierge, combinée à un concassé de tomates. C’est ce qu’a pris mon invitée – pas moi. Tout à fait réussi, ce plat, sympathique et très légèrement relevé. Quand je goûte au mien, je me retrouve propulsé un peu plus haut que ça. Imaginez un croustillant de cuisses de grenouilles dont on n’a absolument aucune idée avant qu’il n’atterrisse devant vous, comme ça, humble et beau! Largement mouillé d’une vinaigrette tiède au cerfeuil, vinaigre balsamique et huile d’olive. Au milieu de l’assiette s’épanouit en corolle une ratatouille au fromage de chèvre frais. Sa saveur est d’une richesse inouïe et, ma foi, j’aurais dû en demander trois ou même quatre pour en faire un repas. Nos verres de vin sont de plus en plus joyeux, si j’en juge par l’enthousiasme qui les anime quand ils quittent la table pour sauter à nos lèvres. Nous nous regardons mon invitée et moi: va falloir crâner pour la suite, car la corbeille de pain s’étant elle aussi mise de la partie, nous nous retrouvons avec l’appétit passablement esquinté. Linguine aux moules et palourdes, jus de cuisson au cari et poivrons grillés: cela tient dans une grande assiette creuse que l’on pose devant mon invitée. Je devance sa pensée: "Parfait!" Je n’ai que ce mot à la bouche, ce soir. Mais, quand on plane si haut, un petit coup de vent vous fait l’effet d’une tornade. En l’occurrence, mes ris de veau manquent un peu de cuisson. Rien à redire quant à la présentation: posés sur une mince couche de sauce brune parfumée à l’estragon, très foncée, très serrée, presque saturée de goût, ils s’entourent d’une petite ratatouille, d’une purée de patates douces, d’un gratin dauphinois. Il y a aussi des pleurotes, dont certains morceaux un peu raides. C’est l’essentiel qui me dérange: les ris de veau un peu (beaucoup) trop rosés, pour la plupart. Et pas suffisamment aplatis avant la cuisson. Je me contrains donc à n’en manger que les pourtours, comparativement plus agréables, moins fades et, disons-le, plus digestes.
Restaurant Paris Brest
590, Grande Allée Est
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 529-2243
Menu du midi à partir de 10,95 $
Tables d’hôte: 23 à 32 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 102,37 $
Bulletin Le gastronome
Vient de naître: Le Gastronome, bulletin semestriel en couleurs du restaurant Laurie Raphaël. Il s’agit, on s’en doute, d’un outil promotionnel rappelant entre autres que l’établissement existe depuis déjà 11 ans. Il présente ensuite la cuvée maison (un Cabernet Sauvignon d’importation privée) et un nouveau venu à la table, en l’occurrence la fleur de sel de Guérande. Suivent de brèves rubriques consacrées respectivement aux "Astuces et petits trucs", au "Dream Team" de l’établissement (du maître d’hôtel à l’aide-comptable) et au concours "Chef d’un soir" ouvert à tous. La parution du deuxième numéro est prévue pour le 15 avril 2003. Renseignements: (418) 692-4555.