Audacieux ou sages, les mets qu’on vous sert ici témoignent d’une sûreté de main peu courante en matière de cuisine dite "internationale". Et rien dans la présentation – ni arrangement floral intempestif, ni botte de foin en miniature – ne vous porte à croire que votre plat arrive de chez le fleuriste ou de la grange la plus proche! Autant de bonnes raisons pour outrepasser ce soir les limites habituelles de mon appétit. À notre arrivée, la salle à manger a presque atteint sa capacité, alors qu’il n’est pas 19h. Des fajitas ("classiques" de la maison) grésillent et crépitent sur fond de Cesaria Evora. Ici ou là, on déguste des dim-sum, on s’attaque à une salade, on termine une tranche de gâteau. D’ailleurs, en ouvrant la carte, je choisis illico mon dessert: tarte aux pacanes. Ensuite, je me balade d’une page à l’autre, du filet de veau grand veneur aux calmars croustillants à l’indienne, moyennant quelques haltes parmi les "escargots à la façon de Mario", satay de poulet, suprême de saumon grillé et velouté de homard, tartare de l’océan, filet de boeuf grillé St-André, moules à volonté et autres spécialités parfumées d’évasion, sans parler des "spéciaux" qui varient d’un soir à l’autre. La serveuse, qui nous a déjà servi nos verres de Bin 65, vient à plusieurs reprises répondre à nos questions, nous décrire les particularités qui nous intriguent et, finalement, prendre nos commandes. Je commence par un "tartare de boeuf au goût de l’Asie" dont je n’attendais vraiment pas ce coup de foudre qui me laisse pantois. Mon invitée ne s’emballe pas en général pour le "cru"; là, elle en redemande. À l’assaisonnement de la viande s’ajoutent des saveurs de sésame (huile et graines) et peut-être aussi, en plus subtil, de coriandre. Tout cela est d’un moelleux qui vous laisse en bouche des souvenirs suaves. La petite salade d’accompagnement (céleri, feuilles de chêne, fèves germées, luzerne, carottes, oignons) se mouille d’une vinaigrette… qu’on boirait. À intervalles de plus en plus espacés, mon invitée émerge brièvement de son assiette de dégustation de dim-sum composée d’un rouleau impérial bien pimenté, de boulettes perlées de porc et crabe et d’un balluchon de poulet à la citronnelle. Elle repousse enfin son assiette et reste un bon moment plongée dans une espèce de méditation – qu’elle conclut soudain, le pouce levé, d’un "Ouais!" catégorique. Elle commande sur-le-champ un deuxième verre de vin, un chilien rouge cette fois (Castillo de Molina 2000). Puis elle se croise les bras pour me regarder affronter ma deuxième entrée, soit un plat débordant de bhajis d’oignons, aux formes les plus inattendues, accompagnés de deux sauces: une au curry (que je préfère, malgré son surplus de sel) et une à base de yaourt et d’herbes qui m’apparaît plutôt fade. Elle m’aide un peu, de loin en loin, réservant son appétit pour ce qui lui est bientôt servi: assiette de boeuf croustillant (à l’écorce d’orange et ciboulette) et du riz au jasmin. Les lanières de viande, frites et imprégnées de sauce un peu relevée, s’effritent doucement sous la dent comme de petits biscuits. Devant moi, une montagne! Un gros monticule de riz surchargé de crevettes au curry à la noix de coco. Délicieux, mais… piquant, trop piquant, volcanique! Suant de partout, j’en mange et persiste à en manger. On m’offre de remplacer mon plat, je refuse. Sur ma lancée, une fois l’assiette repartie, je commande une pointe de tarte aux pacanes, mais il n’en reste plus. Nous décidons de terminer par deux cafés bien tassés. Et puis, tout à coup, la serveuse nous annonce que le chef tient à nous faire "essayer" le dessert qu’il est en train d’expérimenter. Nous en voulons une petite portion, on nous en sert une grosse tranche; nous nous promettons de ne prendre qu’une bouchée de ce gâteau aux carottes, mais il se révèle si frais, si goûteux, si "maison", que l’assiette est bientôt vide. On aurait pu le croire drapé d’un rêve, en raison de la légèreté qui le nappait: une crème à la cardamome à laquelle il ne manquerait, selon moi, qu’une pincée de sucre supplémentaire et peut-être, pourquoi pas? une larme de vodka.
Restaurant Batifol
995, boulevard du Lac
Lac-Beauport (Québec)
Téléphone: (418) 841-0414
Tables d’hôte: 27,95 à 30,95 $
Menus du jour: 7,95 à 15,95 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 86,87 $
La tour Eiffel dans nos murs
Un invité de marque officie dans les cuisines du restaurant Le Champlain de Fairmont Le Château Frontenac. Nul autre que M. Alain Reix, chef du célèbre restaurant Le Jules Verne de la tour Eiffel, dont la presse gastronomique française dit qu’il "a hissé cet établissement au niveau des meilleures tables de France" et qu’il fait partie des "chefs les plus créatifs de notre époque"! M. Reix est aussi l’auteur d’un ouvrage à succès publié chez Herscher: Le Jules Verne à la tour Eiffel – Nouvelles recettes (prix du meilleur livre de chefs au Salon international du livre gourmand). Jusqu’au 30 novembre, il vous propose donc de découvrir au restaurant Le Champlain les splendeurs de la haute cuisine française qui seront, pour l’occasion, accompagnées de vins prestigieux de la Maison Rolet (Jura). Renseignements et réservations: (418) 691-3905.