De la terrasse intérieure, éclairée à giorno, nous parvient, plus ou moins étouffé, le bruit multiple des conversations qui vont bon train. Il est un peu plus de 13 h: retardataires, en quelque sorte, mon invitée et moi n’avons pu trouver place que dans la salle à manger attenante – où nous resterons seuls. Toutefois, deux hautes fenêtres, ouvertes, nous offrent une vue partielle des tables dressées entre les hauts murs de pierres grises égayées de plantes vertes tombant en cascade. Un peu sur ma gauche, deux Renoir ornent le mur gris du couloir menant de l’entrée à la cour. Chaque assiette que nous voyons passer nuance d’une note ou deux les parfums qui nous ont conquis dès notre arrivée. Bien que nos appétits plaident pour la frugalité, nous nous attardons un peu au "Menu découverte" pavé de tentations: terrine de foie gras, consommé de volière aux truffes noires, noix de pétoncles, granité pommes et calva, saisie de caribou, fromages fins du terroir. La carte elle-même nous promène des entrées chaudes ou froides jusqu’aux fantaisies du pâtissier, en passant par le caviar de la mer Caspienne, le carpaccio, le pressé d’épaule de lapereau, les poissons et fruits de mer, les viandes, le carré d’agneau en croûte parmesane… À peine plus sage, le menu du jour nous rappelle aux réalités du moment: pavé de saumon grillé à la julienne de légumes, entrecôte et quenelle de chou rouge, filet mignon de boeuf aux champignons et porto, médaillon de porc à la crème de roquefort… Peu après nos premiers plats arrive le verre de Gewürztraminer commandé par mon invitée, auquel elle ne touchera pas avant le service suivant. Pour l’instant, elle admire un peu ce qui garnit l’assiette en forme de larme – de joie – posée devant elle: une salade d’endives sauce crémette au vinaigre de framboise. Élégante, simple, croquante, de bon goût – avec juste une pointe d’acidité pour atténuer l’amertume déjà discrète des endives. Mon potage n’est pas moins réussi. Il s’agit d’une crème de légumes, chaude sans être brûlante, pointillée des fines herbes dont le fumet vous racole en douce. La texture en est parfaite et le goût à l’avenant. J’en laisse un vague nuage dans l’assiette, sous prétexte de réserver un peu de place pour la suite – un méli-mélo de pintade aux trompettes de la mort et jus court. Le jus en est court, en effet, serré comme je l’aime; il nappe de brun les grosses rouelles de pintade marbrées du noir de ces champignons parfois appelés craterelles. Quelques légumes (pâtisson nain, haricots français, chou-fleur et riz sauvage) complètent l’ensemble. Chaque bouchée célèbre un véritable mariage d’amour auquel je prends part de tous mes sens, sans oublier de dériver du côté de l’autre assiette, celle de "pâtes fraîches multicolores aux fruits de mer, sauce poireaux et curry" servie à mon invitée. Là non plus, rien à redire. C’est donc en toute sérénité que nous arrivons au dessert, à ces deux petits gâteaux carrés parfumés de vanille, de chocolat et de cannelle. Et il ne faut plus qu’un café pour que notre plaisir se prolonge en un interminable point d’orgue.
Restaurant Le Saint-Amour
48, rue Sainte-Ursule
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 694-0667
Menu du jour: 13,25 à 17,25 $
Menu découverte: 80 $
Table d’hôte: 42 $
Dîner pour deux (incluant boissons et taxes): 44,86 $
Bloc-notes
Meilleurs voeux de greenpeace!
Depuis trois jours, j’hésite à entamer l’une ou l’autre des belles pommes rouges que j’ai achetées récemment. Belles, oui, elles le sont; et grosses, mais légères à faire peur. Si vous tapez dessus, elles sonnent creux. Est-ce normal? Est-il normal aussi que mes limettes soient dures comme des pommes de terre et qu’elles n’aient ni saveur ni jus?… Que dire de ces pastèques sans pépins, ces poulets blêmes, ces oeufs aux jaunes presque blancs, et j’en passe! Rien de nouveau à tout cela; je m’en suis déjà plaint à mon épicier. En vain: il n’est que l’avant-dernier maillon d’une chaîne. Mais je dois avouer que cela m’a fait chaud au coeur de recevoir, cette semaine, les voeux de "toute l’équipe de Greenpeace" rappelant entre autres (car il en est besoin) que "la France et l’Europe continuent à faire bloc face aux États-Unis et leurs alliés pour refuser les OGM", que l’industrie des biotechnologies a cessé de faire la sourde oreille aux pressions des consommateurs et que "le Parlement européen a adopté une législation très stricte sur l’étiquetage". Voilà qui nous requinque un peu l’optimisme et nous fait souhaiter de pouvoir en dire autant de ce côté de l’Atlantique.