Restos / Bars

Le Café du Monde : Pécher dans le dessert

La cuisine de ce "bistro parisien" reste fidèle à elle-même, fraîche et enjouée… comme le personnel. Elle vous est maintenant servie dans une vaste maison de verre.

Une fois franchies les portes vitrées du rez-de-chaussée, on se retrouve dans un hall coloré où dominent des nuances de rouge. En grandes lettres dessinées sur l’un des murs, on vous annonce que "le bonheur est à l’étage". En effet, un large escalier tapissé amorce une volute qui s’achève sur le seuil d’une salle à manger immense, démesurée, rutilante de partout et pleine à craquer. On en aurait le tournis, si les décorateurs n’avaient pas songé à diviser cet espace en multiples îlots, tous abondamment éclairés et bourdonnant du bruit sourd des conversations. Malgré l’affluence, on s’aperçoit tout de suite de notre présence. Nous aurions pu nous croire dans un conte de fées sans les réalités bien terrestres qui s’imposent à nous: la grande rôtisserie française, sur la droite, puis l’immense bar central, l’impressionnant cellier où reposent près de 2000 bouteilles, les grands panneaux (de verre ou de plexi?) où l’on peut lire les spécialités de la maison, confit de canard et autres succulences dont nous avons déjà apprécié les bienfaits. La fébrilité qui règne là ne semble pas près de s’arrêter. Serveuses et serveurs sillonnent cette… vastitude avec aisance et célérité. Le temps de nous rendre à notre table, tout au fond, nous croisons des jarrets d’agneau braisés, des montagnes de frites, verres et bouteilles de vin, et un poulet dodu, fraîchement "débroché". Nous prenons place en bordure d’un… panneau de verre (il n’y a pratiquement que cela), avec vue sur la terrasse, le fleuve, l’autre rive. Et puis, là, tout à coup, il se fait une brusque enclave dans ma pensée. Je me rappelle l’histoire (véridique) d’un chef d’entreprise new-yorkais qui, à l’heure du dîner, se tapait une pointe de tarte aux pommes pendant que cuisait son hamburger – pour gagner du temps. J’en ai souvent fait des gorges chaudes. Moi, ce soir, oserai-je? J’ai mal dîné, j’ai plus que faim: je crève de faim, l’inanition me guette et ma table semble tanguer. La voix de mon amie me parvient de loin, j’ai chaud et un léger voile enveloppe les choses… Je commande un café d’urgence, le bourre de sucre. Puis une tarte "poir’sucre", tant pis pour les regards. Elle est d’ailleurs délicieuse, fraîche et crémeuse. Maintenant, je respire; je refais lentement surface, mais c’est pour me plonger aussitôt dans les différents menus proposés sur la carte: boudin noir aux pommes, tartare de saumon fumé et saumon frais, tartare de boeuf, pavé de veau poêlé, couscous Royal, sans parler des grillades, de la bavette aux échalotes, du cassoulet toulousain, des moules et frites, de la paëlla valencienne. Mon amie goûte à un Apfel Korn, dodeline de la tête, puis opte pour un verre de muscat en apéro. Que prendre après un café et un dessert? J’hésite entre la terrine de sanglier et la salade César. Mais… va pour un camembert grillé (comme la dernière fois) que je ferai suivre d’un mignon de boeuf saignant. Quant à mon amie, elle commence par des escargots au Pernod – moelleux et dodus – que je lui envie. Semés de fins morceaux de prosciutto, ils baignent dans une sauce onctueuse, un peu douce, à peine anisée. Ma tranche de camembert, pas trop brûlante, coule mollement dans l’assiette. Elle fleure bon les herbes et me retape un peu l’appétit. Mon mignon de boeuf m’amène un dilemme: la gourmandise ou la sagesse? Dans un cas comme dans l’autre, j’aurais des regrets. Alors, je fais honneur à l’un et à l’autre, tandis que mon amie se délecte d’un verre de shiraz australien (Deakin) dont elle accompagne ses deux lasagnes roulées au fromage oka et salami de prosciutto. La sauce aux tomates, relevée d’herbes et judicieusement équilibrée, ne s’avère pas aussi acide que je le craignais. On s’en pourlèche le sourire. Tout à coup, le sourire qui me fait face, justement, se mue en éclat de rire. Suit alors ce commentaire: "Je me demande bien comment tu vas décrire ton repas de ce soir… tellement anarchique!" Je me le demande aussi et, pour éviter de trop y penser, je me fais servir une crème brûlée.

Le Café du Monde
Bistro parisien
84, rue Dalhousie
Terminal des croisières, Vieux-Port de Québec
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 692-4455
Table d’hôte: 19,90 à 30 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes) : 82,14 $