La Cuisine Haïtienne de tous les jours
Lancé à Montréal il y a quelques semaines, le livre de Wesner Péroux rend assez bien compte d’une réalité culinaire mal connue. Il a bien d’autres qualités, sur lesquelles je reviendrai plus loin, mais il soulève aussi des réserves qui, heureusement, ne sont pas d’ordre alimentaire. On peut ne pas tenir rigueur à l’auteur d’une majuscule de trop dans son titre (La Cuisine Haïtienne de tous les jours), ou de celles qui manquent ici et là quand il fait allusion à "noël" (sic) ou aux "français, espagnols, anglais…" (sic) qui ont tour à tour occupé l’île. Et que dire de la mention "Auteur" figurant en page couverture, juste en dessous de son nom! Mais on souhaite que, lors d’une éventuelle réédition, un réviseur consciencieux se penche sur l’ouvrage pour le débarrasser entre autres des "sauce poivradée", "faite le cuir" (au lieu de "faites-le cuire"), etc. À revoir aussi, sans nul doute, la mise en pages un peu maladroite et la présentation des plats. Certaines erreurs m’apparaissent plus graves, comme le fait de déclarer que le mot créole vient du portugais… et de donner en exemple le mot d’origine, criollo, qui est plutôt castillan! Il définit ensuite la langue haïtienne comme "une espèce de dialecte": de quoi faire bondir les linguistes! On comprend que l’auteur ait tenté – mais maladroitement – d’aborder certains aspects historiques et culturels de son pays d’origine. On ne lui en fait pas grief; on regrette seulement qu’il se soit, dans ce cas, trop fié à ses impressions. Cela dit, un détail en apparence anodin m’a tout de suite conquis: il s’agit des derniers mots du titre, à savoir "de tous les jours". D’autres, avant Wesner Péroux, ont cru "couvrir" en quelques pages LA cuisine haïtienne, réduisant dès lors celle-ci à une collection de petits plats folkloriques ou vite faits. Il en va tout autrement avec le présent ouvrage, bien charpenté, qui nous mène progressivement des marinades (pour le poisson, la viande, le poulet) aux desserts et boissons les plus exotiques (frappé de papaye, jus de corossol, crémasse). Des mets les plus simples (croustilles de plantain) aux plus élaborés (blaff de homard, riz aux cinq parfums, lapin au colombo), on fait le tour d’une cuisine qui, au fil des ans, s’est enrichie d’apports aussi nombreux que variés. Digestifs, glaces, gâteaux, tout y passe. L’auteur se soucie de fournir certaines précisions quant aux vertus des aliments ou des épices, agrémentant en outre chaque recette de conseils judicieux. Le cas échéant, un équivalent français suit entre parenthèses une appellation créole: mirliton (chayotte); pois France (petits pois)… Le tour d’horizon s’achève sur des suggestions de menus, un glossaire, trois cartes géographiques et un "Index" (qui est plutôt une table des matières). L’ouvrage de Wesner Péroux met le lecteur en appétit. Il vient combler un vide certain, et ses nombreuses qualités l’emportent de beaucoup sur les maladresses signalées plus haut. Recommandé à ceux et celles qui souhaitent s’initier à une cuisine colorée, chaude et parfumée!
Les Meilleures Recettes québécoises d’autrefois
"Notre voyage dans le passé n’était pas terminé", peut-on lire au début de l’introduction. Les auteurs (n’en déplaise aux mordus de la féminisation à tout prix, je ne mettrai un "e" au mot auteur que le jour où l’on en ajoutera aussi aux mots fleur, humeur, etc.) font ainsi allusion à leur précédente publication, Cuisine traditionnelle d’un Québec oublié, mais aussi à la première mouture du présent ouvrage, parue sous le titre La Bonne Table d’antan. Dans Les Meilleures Recettes québécoises d’autrefois, disent-elles, "on retrouve un supplément de plats principaux, on y parle davantage de conservation des fruits et des légumes…", les mets à base de gibier et de poissons venant compléter ceux qu’elles avaient déjà présentés. Leur "promenade à travers le temps" nous vaut quelque 300 recettes précédées d’un glossaire qui pourrait parfois être plus précis ("Lier: mettre ensemble"). Le style de l’ouvrage se veut direct et aussi simple que sa typographie. Ici ou là, une coquille fera peut-être tiquer le lecteur ("emporte-cièces", "vin de bluets", "Noel", "blé d’inde", "mais et carottes"), mais, dans l’ensemble, rien de très grave. À côté de certaines soupes (aux gourganes, aux oignons, etc.) et de certains pâtés encore très actuels, d’autres moins courants ne manquent pas d’étonner (miet canadienne, bûche de boeuf sec, tablettes des jours de congé de l’employé, dîner à sept étages). L’ouvrage passe en revue les tourtières traditionnelles et les "fines", les ragoûts, divers apprêts de jambon, les beurres, les sauces salées ou sucrées, les boissons (vins, "champagnes", punch), les conserves et les desserts. Suzette Couillard et Roseline Normand nous offrent là un travail sérieux, sans prétention et pourtant bien documenté. Chacun devrait y trouver matière à gourmandise, les "végés" tout comme les "viandeux".
La Cuisine Haïtienne de tous les jours (sic)
de Wesner Péroux
Éditions Pax
2002, 142 pages
Les Meilleures Recettes québécoises d’autrefois
de Suzette Couillard et Roseline Normand
Éditions Suzette Couillard
2002, 378 pages