On aurait envie de ne vous dire que du bien de Pazzi, sur l’avenue du Mont-Royal. Pourquoi? Parce que c’est confortable, parce que c’est d’une élégance appuyée, parce que c’est joliment décoré dans les tons du moment, tendance Conran, avec la musique du moment, et qu’on est entre les mains d’une brigade flexible et affable. Et en plus, parce que la cuisine – un peu italienne et un peu française, du genre qui hésite, quoi -, malgré son côté plutôt conventionnel, est généreuse.
Toutefois, comme on a tendance à négliger la finition et qu’on se laisse aller à des présentations hâtives, détails qu’on se rappelle très souvent, nous sortons de cet endroit avec l’impression d’avoir trébuché. Des exemples? L’huile d’olive qui n’a rien de vierge, mais qu’on verse dans l’assiette comme si c’en était. Un serveur qui grille une cigarette derrière le comptoir, pas de tapis pour s’essuyer les pieds à l’entrée du resto, si bien que tout au long du repas, on dégoûte sur le beau plancher de bois. Une carte et une liste de vins sur lesquelles il manque des éléments… en début de soirée. Des virgules, vous dites? Des points d’orgue, oui.
Cela dit, la carte ne manque pas d’idées, et propose autre chose que les lieux communs. Une tourte de polenta grillée sur un coulis de tomates, servie avec du fromage bleu, un carpaccio de saumon, des escargots au vin blanc, des croquettes au riz et au fromage (les suppli al telefono siciliens) et des pâtes à l’encre de calmars, ça ne court pas les rues du Plateau. En revanche, on retrouve les familiers pesto, arrabiata, calamari friti et calabrese sur un menu qui semble plus conçu pour rassurer qu’étonner.
Les moules sont moelleuses et sexy dans leur jus au vin blanc et aux tomates, un peu fades cependant. Manque de sel. Le carpaccio de boeuf est impec’, fin, servi frais et non glacé, avec de beaux copeaux de parmesan et une petite salade d’épinards crus (en remplacement de la roquette, absente ce soir-là). Mais on la nappe d’une huile insignifiante. En plat, les raviolis d’épinards farcis à la courge auraient du être faits a casa, mais sont nés du commerce. On les nappe maladroitement d’une sauce rosée à la crème et aux tomates. C’est gentil, sans plus. L’involtino d’aubergine, farci de mascarpone, est proposé à la table d’hôte; c’est un plat plus convaincant, avec son parfum de braise persistant, sa cuisson parfaite, mais servi sur des spaghettis aux tomates tout à fait ordinaires. Imaginez-les à l’ail et à l’huile, aux poivrons rôtis, au beurre et au citron. Pourquoi faut-il toujours tout "tomater", même en hiver?
On ne fait pas beaucoup d’efforts côté douceurs: rien que la crème brûlée ou caramel, et le tiramisu (du reste très frais celui-là, très riche en mascarpone) qu’on voit de long en large, et dans tous les établissements dont le nom finit en "o" ou en "i". Comme si le dessert n’était qu’une vaine fantaisie. Pourtant, le dernier service, c’est comme la cerise sur le sundae, la broche sur le col, c’est le dernier détail. Celui qui fait toute la différence.
La carte des vins est intéressante et les petits crus – surtout italiens – sont facturés raisonnablement. Mais l’addition tombe un peu raide pour ce genre de cuisine sublimement simple. Comptez 65 $ à deux, avec les taxes et le service avant le vin.
Bémol: Généralement sympa, le Pazzi pourrait passer pour une maison plus sérieuse s’il ne connaissait pas autant de relâchement dans les détails.
Dièse: Contrairement à d’autres lieux voisins, on est réellement accueilli, et servi avec une franche courtoisie et gentillesse par une coquette serveuse… avec des jambes grandes comme ça.
Pazzi
775, avenue du Mont-Royal Est
527-9555
Amuse-Gueule:
Le Festival Montréal en lumière, avec son volet rebaptisé Les Arts de la table, revient en force dans une petite semaine, à partir du 13 et jusqu’au 2 mars prochain. Profitez-en, faites d’une pierre deux coups, ça chevauche la Saint-Valentin. Des chefs, et des repas qui font des promesses dans les meilleures tables de Montréal, des ateliers et conférences, et même un show inspiré du personnage célèbre de Pepe Carvalho de l’écrivain catalan Montalban. Avec une organisation infiniment mieux rodée. Encore là, à des prix qui vont d’un petit rien du tout pour les activités de la Semaine des saveurs au Complexe Desjardins avec l’ineffable Soeur Angèle et d’autres célébrités de la gastronomie, à des repas libanais et vietnamiens à 40 $, ou des repas de chef à 30 $, 60 $, 90 $, 130 $ et… 300 $ par personne. Cette année, place à la Catalogne, grand-petit frère espagnol des Québécois, dont la cuisine est l’une des plus créatives d’Europe en ce moment. Des cinq chefs invités, Santamaria (qui préside le Festival) est certainement l’un des plus réputés en son pays. On vous en reparle la semaine prochaine. En attendant, consultez le guide et réservez vos places. www.montrealenlumiere.com.