En septembre dernier, dans un papier sur la "rentrée des restos", j’avais signalé ainsi l’ouverture prochaine de cet établissement: "Son nom, encore secret, ornera sous peu une devanture de la rue de l’Église (coin Charest)…" Je l’attendais donc. Et j’ai attendu encore un bout de temps avant de m’y rendre un soir, sans stylo et sans carnet de notes, l’esprit curieux et l’appétit… disons… sceptique. Cette fois-là, trois choses nous avaient frappés, mon invitée et moi: le raffinement des lieux, la finesse et l’originalité des préparations, une certaine fébrilité du service qui, alors, nous avait paru un peu mécanique. Charmé malgré tout, je m’étais promis de revenir. La même invitée m’accompagne ce soir. Pas un mur qui ne soit percé de multiples niches où loge une figurine, une statuette, un bibelot. Dans l’une d’elles, un petit Bonhomme Carnaval prend ses aises. Le personnel, attentif et courtois, se précipite au moindre signe pour vous expliquer la composition des différentes combinaisons offertes – maki sakana (thon, saumon, shiromi, algue, échalote), maki hotatefai mentai (aux pétoncles épicés), maki unagi goma (anguille et avocat), maki taru saba (tartare de maquereau), nigiri, sashimi, hosomaki, satays, bar noir cuit au four, shooter d’huîtres, filet de boeuf et autres… Ces diverses suggestions figurent sur une large bande de papier qu’on vous présente en même temps que la carte qui en surprend plus d’un par ses raviolis aux deux thons, ses tartares, son magret de canard croustillant au gingembre, son foie gras poêlé sur carré aux dattes. L’odeur douceâtre du saké chaud (on le servira froid cet été) nous flatte les narines, tandis que je fais honneur à une délicieuse soupe de miso semée d’échalotes vertes et de tofu en lamelles. Contrairement à la première fois, je passe outre les sushis pour me rabattre sur le combiné "7 crevettes et 7 légumes". Mon invitée s’en tient au maki saké (tempura, saumon tobiko, etc.) et au maki homard (à la mayonnaise vanillée) – une douzaine de gros morceaux qui sont autant d’occasions de démontrer sa virtuosité à se servir des baguettes. On jurerait qu’elle a fait cela toute sa vie! À un certain moment, elle me confie tout bas: "Ça peut avoir l’air cliché, mais je me sens zen quand je mange des sushis…" Sur moi, c’est plutôt l’atmosphère des lieux qui produit cet effet, et je prends plaisir à m’imaginer que le mot yuzu signifie quelque chose de particulier pour les bouddhistes. Il n’en est rien, évidemment, puisqu’il désigne un agrume (citrus junos) aussi connu sous le nom de "cédrat du Japon". Nous ne l’avons jamais vu, mais un serveur s’empresse de nous amener quelques morceaux de cette écorce parfumée qui fait la joie des confiseurs et des aromathérapeutes. "Vous pouvez y goûter…", nous encourage-t-il. Mon invitée en fait ses délices un moment, commentant la douceur du zeste, son peu d’amertume, l’enchantement qui s’épanouit en bouche. La mienne de bouche se partage entre éloges et gloutonnerie. Asperges, poivrons, champignons, haricots, poivrons, carottes se présentent dans une tempura fine comme il se doit, presque translucide; les crevettes, géantes et d’une exceptionnelle tendreté, se présentent dans le même accoutrement. Je m’intéresse peu à la sauce, content de ce que je prends à pleins doigts pour le porter précipitamment à ma bouche. Je ne recours aux baguettes que de loin en loin, quand je veux ralentir un peu l’allure. Les deux salles sont pleines, mais tout le monde semble méditer ce qu’il mange. On perçoit à peine des murmures, mais on en a plein les yeux chaque fois que fait son apparition une assiette colorée d’algues et de poissons, ou un plat, semblable au mien, qui fait penser à un petit banc de bois hérissé de victuailles. Je me fais servir une camomille avant de passer au dessert – non pas le fameux "fondant au chocolat" dont tout le monde parle, mais un gâteau au fromage. On vous le sert habituellement roulé dans une garniture au piment; je le préfère sobre, nu, immaculé, comme une note de pureté pour ponctuer cette soirée magique.
Yuzu Sushi Bar
438, rue de l’Église
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 521-7253
Spécialités à partir de 4,75 $
Choix du chef: 18 à 26 $
Plats: 26 à 32 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 70,05 $