Petits coeurs après neuf heures
Brossard est une curieuse banlieue pour découvrir l’authentique cuisine chinoise. Après tout, il n’y a rien d’exotique dans cette ville autre que des centres commerciaux le long d’une autoroute suggérant l’interstate no.1 qui traverse la Floride.
Au milieu de l’un de ces temples de la consommation se trouve le restaurant Foo Wor, nouvelle incarnation d’un style de restauration très courante dans des endroits comme Hong Kong, Singapour ou Taipei. Ici, dans un hall aussi large et vaste qu’une église, on se spécialise en dim sum, ces petits "coeurs en fête" si chers à la culture cantonaise. Passons sur l’histoire de ces bouchées censées à l’origine avoir mis d’excellente humeur une souveraine despotique, pour dire qu’il s’agit davantage d’un système que d’un ensemble de plats précis, habituellement servis en fin de matinée. Le répertoire est étendu, les spécialités variant selon l’originalité des chefs et la diversité des produits.
Chez Foo Wor, on sert des centaines de convives tous les week-ends; la variété proposée est donc considérable, les propositions se présentant sur les habituels chariots tirés par de jeunes serveuses. Entre les ravioles de porc cuites à l’étuvée ou frites, les nouilles sèches, les crêpes miniatures farcies de crème aux crevettes, les pâtés glacés au miel et farcis de porc haché, les sui mai classiques, ces menues bouchées de pâtes cuites à la vapeur et garnies d’une purée de crevettes, de champignons et d’une sorte de caviar de crabe, de boulettes de pâtes de riz farcies de crevettes et de pousses de bambou, ou même de segments de peau de porc confite, puis glacées au soja noir, le choix paraît presque illimité. Attention à votre régime: le menu, s’il est irrésistible et aromatique, est fortement glucidique, et vous rassasiera promptement. Mais comme le dim sum est une pratique sociale, on s’y présentera en groupe, permettant ainsi un choix plus large d’une excellente palette. Culte du groupe, de la famille et forcément de la cuisine, les dim sum sont l’écho d’une culture obsédée par la convivialité et la symétrie gastronomique. Ne vous inquiétez pas de l’attente apparente à l’entrée du resto. Les Chinois mangent vite et ne traînent pas; on vous trouvera rapidement une place dans ce quasi-amphithéâtre de la miniature. Comptez autour de 30 $ pour deux personnes, taxes et service compris.
Dièse: Qualité et fraîcheur indéniables des bouchées, service courtois, sympa et en français.
Bémol: Pas le genre d’endroit pour faire une déclaration d’amour. En revanche, c’est diablement pétillant et divertissant.
Foo Wor
8080, boulevard Taschereau
Brossard
(450) 672-6527
AGENDA DU FESTIVAL MONTRÉAL EN LUMIÈRE
Rafael de Valicourt, invité Chez Alexandre, rue Peel
Si le nom de ce jeune chef catalan résonne français, c’est parce que son grand-père a fait dans les années 30 le voyage vers les Pyrénées et non pas le contraire. Ça semble avoir donné à sa cuisine une réverbération un peu française en tout cas. Une cuisine brillante et moderne qui fait de l’effet. Aucune surprise là non plus, surtout quand on apprend que Valicourt a fait ses classes auprès de Ferràn Adria, la grande vedette catalane, chez qui il est resté trois ans. Sans compter un séjour chez Michel Bras à Laguiole et une année aux côtés de Xavier Pellicer (très grand chef invité chez Toqué! la semaine du 25 février). Ça donne des plats aux saveurs franches, aux sauces très concentrées, faites de jus, d’émulsions acidulées, de touches d’huile passée au Thermomix (sans lequel ce chef nous dit qu’il ne saurait pas faire la cuisine); bref, des créations tout en volume et en couleurs, rien jamais posé là sans raison, ni réflexion. On propose une table d’hôte à 50 $, habile condensé de ce chef étoilé et qui dirige l’un des meilleurs établissements de la Catalogne, Relais & Château. Des légumes caramélisés au Vichy; une joue de boeuf fondante, servie dans une sauce aigre-douce aux baies fraîches et au vinaigre de cabernet; un bar qu’il baptise à la catalane et qui évoque ces sauces siciliennes aux pignons et aux raisins mais avec une sauce au vin rouge; un risotto au râble de lapin et aux cèpes; un tartare de canard relevé accompagné de tout petits navets étuvés au beurre: on a là une cuisine abondante qui se laisse aller dans le désir, à la fois luxuriante et tout à fait étonnante. Un grand repas.
Restaurant Anise, avenue Laurier Ouest
Pour la chef Racha Bassoul, dont j’ai toujours défendu la remarquable maîtrise et le talent original et assez inouï, l’idée de proposer pour le Festival un menu fait de miniatures n’est pas inusitée. On s’attend à ce qu’elle nous en mette plein les yeux (et la bouche), tout en conservant par contre une grâce et une délicatesse insolites. Cette fois, une "Suite de petites attentions" (facturée 53 $ seulement) déclinée en six services, chacun représentant une variation sur un ingrédient (huîtres, tomate, foie gras, agneau et chèvre). Un enchaînement de sensations, de surprises, où tout pétarade sans ostentation mais qui tombe toujours à pic.