Malgré son apparence de troquet à annexe, sa vocation unique – celle de servir le thé – lui attribue une qualité indéniable. Si l’on y sert le thé chaud – vert ou noir – à partir d’une grosse barrique, celui-ci a bon goût et se présente toujours en théière. On l’offre aussi aromatisé à la mandarine ou au fruit de la passion (une hérésie que les vrais amateurs de thé ne reconnaîtront jamais). Beaucoup plus originaux, les thés glacés à l’eau ou au lait, parfumés au miel, à la prune sucrée, au kiwi ou à la grenadine, que l’on peut associer à du tapioca ou à de la noix de coco en gelée, sont les préférés des jeunes étudiants taïwanais qui remplissent le resto à l’heure du lunch pour bavarder ou jouer aux fléchettes. Quant aux autres (nous, les non-Taïwanais), peut-être leur faudra-t-il davantage que de la curiosité pour jouir de thés glacés parfumés à la poudre colorée incontestablement artificielle.
Pour manger, les patrons offrent une dizaine de plats simples, tous savoureux, tirés d’une cuisine que l’on trouve plus souvent qu’autrement dans les ruelles de Taipei: dumplings farcis au porc rôti (12 pour 6 $) ou xiao long bao, six bouchées succulentes, d’origine sichuanaise, cuites à la vapeur, que l’on trempe dans une sauce parfumée à l’huile de sésame. En plat, le rou zao est un plat de riz autour duquel on assemble une sorte de ragoût de porc (et de gras de porc) très parfumé et au goût assez délicat, cuit avec de la sauce aux haricots noirs fermentés, et un oeuf dur, cuit à même la sauce. On peut aussi prendre un plat de nouilles avec la même sauce, ou des boulettes de viande servies avec du riz collant, typiquement taïwanais. Comptez 20 $ pour deux repas, taxes et service compris.
Dièse: divertissant, propret et insolite.
Bémol: un air de fast-food quand même.
Tapioca Thé
1672, boulevard De Maisonneuve Ouest
223-4095
AGENDA DU FESTIVAL MONTRÉAL EN LUMIÈRE
Régis Marcon reçu à l’ITHQ
Quelle excellente idée d’avoir reçu le grand chef français Régis Marcon. Notre dorénavant vénéré Institut de l’hôtellerie ne manque ni de projets ni de moyens pour stimuler les étudiants, le corps professoral et le public en général. Recevoir un chef du calibre de Marcon – 2 étoiles au Michelin pour son établissement auvergnat L’Auberge des Cîmes – est un coup de maître. Espérons qu’il y en aura plusieurs autres comme ça. C’est que Marcon sait donner un coup de fouet aux classiques avec sa cuisine limpide, moderne, aux saveurs très articulées, franches mais délicatement harmonisées. Il n’y a jamais de choc, il y a de la séduction avec l’évocation plutôt que la revendication de son terroir: lentilles, foie gras, et surtout les champignons que Marcon travaille avec une étonnante habileté. Même au dessert, avec une surprenante brochette de banane et de morilles! Un cuisinier remarquable, une cuisine eurythmique.
Xavier Pellicer reçu chez Toqué!
Avez-vous jamais entendu parler de "vessies intestinales"? Pas trop engageant, dites-vous? Ce ne sont pourtant que des tripes de morue, pochées et servies sur une mousseline de pommes de terre aussi légère qu’un nuage, couvertes de truffes fraîches et nappées d’un jus de poularde dense et aromatique. Le chef catalan Xavier Pellicer nous en a fait voir de bien plus surprenantes dans un repas aux résonances parfaitement contemporaines dans lesquelles les produits s’affichent clairement et ne tolèrent aucun masque. C’est ça, la limpidité. Pellicer fait partie de cette génération de jeunes cuisiniers qui se lancent à corps perdu dans la création sans jamais renier leur région ni bouder les produits du coin. Un tartare d’avocat et de champignons déposé sur de la chair de crabe et coiffé d’un sorbet au citron vert saisissant ou d’un pétoncle à l’huile de réglisse: il faut un sacré tempérament pour oser ces mélanges et une sacrée technique pour les réussir. Du grand art.
SUR LES RAYONS
Hachette vient de traduire le dernier ouvrage de Jamie Oliver, vous savez, ce jeune chef britannique qui zozote en parlant et qui est devenu en l’espace de quelques années une superstar internationale de la télé. Son succès, il le doit à son apparente affabilité et à son talent de cuisinier, bien sûr – et puis il travaille à une vitesse ébouriffante -, mais aussi au fait qu’il se présente comme un gars "simple", habillé en jeans, les cheveux mal peignés, qu’il s’essuie les mains sur ses jeans en travaillant, qu’il parle de sa blonde, de ses potes ou de ses parents tout en liant une sauce ou en hachant du persil. Il est sexy comme c’est pas possible. Les filles (et certains gars, avouons-le) en sont folles. Dans ce dernier ouvrage, on retrouve les mêmes recettes faciles que dans les ouvrages précédents, tirées d’un répertoire mondialiste, mais faites avec une certaine précision, si bien que toutes sont accessibles. Sans parler de l’iconographie très vidéoclip, et des photos prises sur le vif. Autour des idées et des recettes, Oliver raconte sa vie, parle émotions (ça marche!) et, pour chaque recette, propose une petite chronique, écrite dans une langue sympathique et quasi parlée, à des siècles-lumière de celle, académique, des livres de recettes habituels. Jouissif!
Jamie Oliver, Toqué de cuisine, Hachette, 315 pages