Dông Quê est un de ces restos traditionnels où le menu propose des plats qu’on retrouve assez souvent sur les tables familiales, des plats costauds dans un registre moins étendu que ceux des palaces et à la finition moins maniérée, mais comme on est ici au Viet Nam, tout aussi délicieux.
Sur une rue passante, bruyante et poussiéreuse, où l’on ne s’attendrait pas à voir un resto, ce petit troquet agit comme un baume. On entre ici et, d’emblée, on oublie les désavantages du grand boulevard. Si la déco est naïve, elle reste soignée et évoque autre chose qu’un sombre polar des années 50.
À la carte, plusieurs plats sont des lieux communs – soupes tonkinoises, vermicelles et autres plats de nouilles -, et quelques uns sont tirés du registre des spécialités du Sud du Viennent, soupes aigres, fondues de poisson, poulet au gingembre ou à la citronnelle. Des rouleaux impériaux bien croquants et un peu gras sont servis sans laitue et sans herbes fraîches, rien qu’un peu de carottes et de radis haché mariné. Ce serait bien de les rouler dans les feuilles bien froides de laitue et de les tremper dans le Nuoc Cham, de la sauce de poisson mêlée à du jus de lime et des carottes en julienne comme on devrait pouvoir le faire, puisque c’est la coutume au Viennent. Beaucoup plus intéressante et vaguement siamoise dans l’inspiration, la salade aux crevettes et au porc est pleine de ces goûts francs, contraste un peu violent entre le pimenté et le sucré. Les viandes sont cuites à l’eau avant d’être marinées avec du sucre de palme et du Nuoc Mam (cette fois-ci, la sauce de poisson à l’état pur) et présentées sur des feuilles de menthe fraîche. La crêpe, baptisée Banh Xeo, est une spécialité de Saïgon et commence à être un peu connue par ici. Sa texture croustillante, son goût de noix de coco et son parfum de curcuma, remplie de pousses de soja, de morceaux de porc frits, de crevettes et d’herbes fraîches, en font un plat assez convivial malgré la technique qu’il faut adopter pour les manger, en les enroulant dans une feuille de laitue et d’herbes avant de tremper le tout dans la sauce de poisson, ce qui ne facilite pas la chose. On perd toute élégance quand le jus nous coule le long des mains. Heureusement, le goût est fabuleux. On oublie qu’on a cet air vaguement barbare aux yeux des Vietnamiens qui nous regardent en souriant. Surtout quand on essaie de saisir la crêpe avec les baguettes. Les nouilles frites Xao Don sont goûteuses, un peu gluantes, et plutôt bien assaisonnées avec une garniture croquante de légumes sautés et d’arachides. Le poulet grillé préalablement mariné a un goût de BBQ exotique, sa peau est un peu caramélisée et sa chair fondante et parfumée. On le présente sur des nouilles de riz plates qu’on appelle ici "galette". Enfin, un sauté de boeuf acidulé servi avec du riz un peu collant qui ferait fureur s’il n’était un peu trop cuit. En tout cas, pour une petite addition qui n’atteint pas les 40 $, avec deux limonades maison, tout compris, on pardonne aisément ces quelques faiblesses.
Dông Quê
1210-1214, Boulevard Rosemont
(514) 490-0770
Délice Créole
Il y a chez les Haïtiens une douce indolence. C’est peut-être le climat de la terre natale. Ça me rappelle toujours la jolie chanson de Charlebois "Moi, pli parler en créole". Au Délice Créole justement, un petit troquet familial de la rue Masson, cette indolence donne lieu à des vicissitudes étranges: des horaires qui flottent, des plats cuisinés qui traînent sur le poêle ou sont réchauffés au micro-onde, un décor de pacotille, mais de jolis sourires de la charmante serveuse et de sympathiques et jeunes patrons – encore à l’âge de recevoir des leçons. En voici une que je me permets de leur transmettre. Pas besoin d’être un grand chef pour faire bien. Il faut mettre du soin, de la rigueur, de l’attention. Après tout, la cuisine haïtienne est simple, d’ordinaire savoureuse et ne manque pas d’originalité. Ces délices, eux, en manquent un peu. Les plats sont brouillons, les sauces un peu fades (si! si! malgré le ti’ piment), les viandes sont archisèches, on peut à peine déglutir, et les bananes pesées (que nous adorons habituellement) sont raides comme une corde à linge. Le cabri (la chèvre quoi) n’a aucun goût puisqu’il est complètement cramé, et le poulet, s’il a de la saveur, il n’en est pas moins sec. Et pour rendre "collant" le riz au pois, on l’a simplement fait sauter dans beaucoup trop d’huile, ce qui le rend presque immangeable. Dommage, ce petit resto de quartier avait pourtant un air bien accueillant et ses patrons, un large sourire. Comptez 23 $ pour deux tout compris, avec deux "Champagne", le cola local au parfum de gomme baloune. Fait au Canada, est-il besoin de le rappeler.
Délice Créole
3841, rue Masson
(514) 727-3830