Restos / Bars

Kam Shing : Aigre-piquant

Les restaurateurs chinois, dit-on, ont durement ressenti les effets de l’épidémie de SRAS. Raison de plus, maintenant que le gros de la crise semble derrière nous, pour renouer avec une cuisine qui, si on n’y prend garde, crée une véritable accoutumance, et redire notre attachement à l’une des gastronomies dites "ethniques" les plus anciennes.

Les restaurateurs chinois, dit-on, ont durement ressenti les effets de l’épidémie de SRAS. Raison de plus, maintenant que le gros de la crise semble derrière nous, pour renouer avec une cuisine qui, si on n’y prend garde, crée une véritable accoutumance, et redire notre attachement à l’une des gastronomies dites "ethniques" les plus anciennes.

Pourquoi, d’ailleurs, ne pas aller du côté d’un autre Chinatown, celui de l’axe du chemin de la Côte-des-Neiges et de l’avenue Victoria? Pourquoi ne pas essayer Kam Shing, véritable institution pour ceux qui ont la prétention d’appartenir à une coterie d’initiés?

Pourquoi Kam Shing? Pas pour le décor, en tout cas, plutôt banal et anonyme, dans la plus pure tradition de ces restos au cadre exotique modeste et plutôt factice. Pas pour le service non plus, un peu brusque (moyens linguistiques obligent), malgré l’extrême gentillesse et la redoutable efficacité de la brigade, exclusivement masculine. Pas pour l’ambiance, pareille à celle d’établissements comparables, pour ne pas dire identiques. Pas non plus pour les surprises: les palais aventureux ne trouveront ici ni le sauté aux quatre cobras, ni les nids d’hirondelle farcis aux ailerons de requin (à supposer que cela existe). Pas non plus pour l’emplacement, qui oblige à sortir des repaires connus. (Avantage notable par rapport au "vrai" Chinatown: le stationnement est tout de même plus facile.)

Non, si on vient chez Kam Shing, c’est pour manger, seul, en couple ou en famille, parfois nombreuse, grâce à ces proverbiales tables rondes où des Asiatiques, surtout, se serrent les coudes à huit ou à douze. On y vient pour la soupe aigre-piquante (aussi appelée potage pékinois), l’une des meilleures en ville: savamment vinaigrée, juste assez relevée, pas trop poivrée, débordante de morceaux de tofu, de pousses de bambou, de filaments de viande, de champignons, de légumes marinés. Toujours égale, toujours savoureuse, l’antidote rêvé contre les rhumes tenaces et les gorges irritées. Le comfort food asiatique…

Aussi la soupe au maïs sucré et au poulet, version chinoise de la soupe au maïs et au crabe des Vietnamiens, moins réussie peut-être, mais qui a la particularité de faire songer à notre pâté dit chinois (à cause de l’utilisation de maïs en "crème"?).

Moins de succès du côté des rouleaux impériaux. Ils sont croustillants, servis brûlants, mais la farce, surtout du chou, n’a rien de transcendant, d’autant que, ce soir-là, la préparation, détail curieux, était un peu trop salée. Pas inoubliable.

Du côté des plats principaux, difficile d’éviter le poulet du général Tao, le préféré des enfants, que les croquettes, avec ou sans le préfixe "Mc", mettent en joie et dont on sert ici une version tout à fait honorable et plus que généreuse. Quelle idée saugrenue, d’ailleurs, de faire frire à la perfection des morceaux de poulet en pâte, jusqu’à ce qu’ils soient croustillants à souhait, pour les napper ensuite d’une sauce sucrée et piquante! Peut-être faut-il y voir l’ancêtre de la poutine… Dans la même veine, ce soir-là, nous optons pour le boeuf à l’orange: la portion est gargantuesque, la viande tendre et la sauce abondante, mais le goût d’orange est peut-être trop discret. On aurait souhaité un peu plus de zestes frits.

Puisé parmi le choix de spécialités du Sichuan, le poisson piquant aux légumes est en tous points fidèle à la description: des morceaux de filet (de doré?) moelleux et assez fermes accompagnés d’un choix de légumes et d’une sauce relevée. Le cresson sauté, s’il conserve une couleur vert foncé, manque peut-être un peu de goût.

On privilégie souvent les sautés, mais chez Kam Shing, on aurait tort de négliger les braisés, en particulier le boeuf et "ciboulette" au gingembre. Des morceaux de boeuf tendres comme tout, de l’oignon vert et du gingembre, dans une sauce savoureuse, point à la ligne, le tout servi dans une marmite. Un véritable délice.

Un grand resto chinois? Peut-être pas. Mais un très bon dans un quartier où la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. (Sans même parler de son clone, sur Côte-des-Neiges, peut-être encore plus couru.) Et surtout une constance que pourraient lui envier bien des établissements plus huppés. Pendant que vous y êtes, essayez une des séduisantes épiceries asiatiques (philippine, indienne, vietnamienne) du coin et lancez-vous à la découverte!

Bémol: Le service, bien qu’aimable, pèche parfois par excès d’empressement.

Dièse: La soupe aigre-piquante, le boeuf braisé au gingembre, la constance.

Comptez une cinquantaine de dollars, tout compris, pour deux adultes et deux enfants, et vous aurez peut-être des restes à emporter. Mais vous pouvez dépenser moins.

4771, avenue Van Horne

(514) 341-1628

Autre adresse: 6767A, chemin de la Côte-des-Neiges

(514) 731-1401