Il me faut dire, au départ, que j’ai plusieurs fois remis cette visite, pour une raison fort simple: j’avais gardé de cette adresse, c’est-à-dire du restaurant qui s’y trouvait avant, un mauvais, très mauvais souvenir. Je suis allé jusqu’à me demander si ce n’était pas le même chef qui se planquait sous un nouveau nom… C’est vous dire! Et puis, ce midi, m’y voici. Bien que nous ayons choisi de manger en terrasse, je ne manque pas d’aller fureter à l’intérieur. Le décor n’a rien à voir avec le précédent. De nouvelles couleurs, des plantes vertes, quelques tableaux aux murs, dont une tête de tigre qui vous renvoie à vos premières lectures de Kipling. Dehors, il n’y a plus de place sur la galerie couverte. Reste la petite allée, au bas de l’escalier, où des tables s’alignent le long d’une clôture en treillis. Nous y sommes bien, malgré le soleil qui m’accommode le dos en barbecue. Poulet tandoori, cari de poulet, poulet korma, crevettes bhoona, crevettes phatia, cari d’agneau, riz, légumes divers, Sag poneer (épinards et fromage): la carte, plutôt dépaysante, détaille les spécialités maison où se conjuguent les saveurs douces du nord, d’influence persane, et les feux du piment (lal mirich en hindi, kachikai en tamoul) que privilégie la cuisine du sud. Mais, dans ce que nous allons manger, peu importe la part réelle des diverses tendances (moghole, persane et musulmane). Il y a tout de même un peu d’anglo-saxon dans notre soupe du jour, une mulligatawny brûlante et délicieuse, d’un jaune clair… et piquante à souhait. Au souhait de mon invitée, je dois dire. Une cuillerée ou deux, et je déclare forfait, commande illico du nan qui m’arrive, longtemps après, savoureux, brûlant, boursouflé par l’ardeur du tandoor et bientôt dévasté par ma propre ardeur. Le service? Disons que… dans un avenir que j’espère proche, il s’améliorera sensiblement. La gentillesse et le dévouement y sont déjà; si vous parlez anglais, on vous comprend tout de suite; et si l’on adapte le nombre de serveurs à l’affluence, ce sera pour les affamés un avant-goût du nirvana. En attendant nos plats de résistance, je consulte la carte du soir, survolant "Le régal tandoori", "L’agape Tikka", "Le banquet" (rien à voir avec Platon), "La moisson de Pakura"… Un peu plus loin, on peut choisir à la carte des entrées, des accompagnements divers, des caris (légumes, viandes ou crevettes) et des grillades. Ah, voici nos assiettes brûlantes et parfumées – et ces arômes qui nous transportent loin d’ici. Il ne nous manque que le son des ghungurs, ces petits instruments faits de clochettes que les danseurs s’attachent à la cheville et qui tintinnabulent pour évoquer les bruits marquant le passage des saisons. Une petite salade et du riz blanc semé de grains orangés entourent le cari de poulet aux légumes (brocoli, carottes, chou-fleur, etc.) auquel mon invitée s’empresse de témoigner sa plus vive affection. J’ai également choisi du poulet, en l’occurrence du tandoori – mariné maison, comme il se doit – bordé de riz basmati aux légumes (carottes, chou-fleur et petits pois). Assaisonnement judicieux, cuisson parfaite. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas, à Québec, savouré une aussi bonne cuisine indienne! Au dessert, nous nous régalons encore. Imaginez une glace de couleur orangée, une crème glacée à la mangue, à la banane et à la noix de coco, piquée d’un petit raisin sec en son centre, et qui vous cajole partout où ça passe! "Délicieuse!" dis-je. "Surtout après des plats relevés", ajoute mon invitée qui parle en connaissance de cause. Nous concluons enfin par du thé – bon, mais pas aussi exotique que le masala cha (parfumé au clou de girofle) que je compte bien exiger la prochaine fois.
Restaurant Saveurs de l’Inde
1980, rue Saint-Michel
Sillery (Québec)
Téléphone: (418) 683-0006
Table d’hôte pour une personne: de 15,50 $ à 19,50 $
Table d’hôte pour deux: de 32,50 $ à 37,50 $
Menu du midi: de 7,95 $ à 11,95 $
Dîner pour deux (incluant les taxes): 23,98 $
Le Gastronome et la terrasse
Le deuxième numéro du Gastronome vient de paraître. On se souviendra qu’il s’agit du bulletin semestriel publié par le Laurie Raphaël. Au sommaire, une invitation à trinquer en l’honneur du beau temps, par Suzanne Gagnon et Daniel Vézina, auquel fait écho un mot du sommelier Alain Kimpe rappelant que le champagne "ne se présente plus comme seul privilège des rois, mais bien comme celui des gens heureux". On y annonce un tout nouveau menu estival et, cela va de soi, l’ouverture de la terrasse "italienne". Le 10 juin, par un beau midi ensoleillé, cette terrasse a bel et bien été inaugurée… avec sa table à champagne qui vous fera partager avec les proprios leur "passion pour les bulles"! Par ailleurs, c’est au chef Daniel Vézina que les Producteurs laitiers du Canada ont demandé de créer de toutes nouvelles recettes estivales à base de fromages populaires qu’on peut se procurer un peu partout. Ainsi sont nées, entre autres, la paupiette de veau à la mozzarella, la pannacotta au brie et les asperges grillées au cheddar fort.