"Ça sent la mer!" diraient les uns; "ça sent le varech", diraient les autres. Pour moi, c’est une odeur d’huîtres fraîches qui se précise à mesure que nous approchons du quai d’embarquement. Puis c’est la traversée calme entre un fleuve d’huile et un soleil de plomb. À la réception de l’hôtel, l’accueil n’a rien à voir avec celui des établissements où vous avez l’impression que votre arrivée dérange tout le monde. Pas de soupirs ostentatoires, ni de plis soucieux au front, ni de lassitude dans le regard. Une chambre chaleureuse, de dimensions modestes, nous accueille. La fenêtre donne vue sur l’interminable cour arrière, les chaises alignées pour le farniente, la baie et les bateaux qui houlent mollement. Mon amie prend cela pour une invitation à mettre les voiles, tandis que le lit m’inspire plutôt une sieste. Nous sommes de nouveau sur la même longueur d’onde en début de soirée: le bar où chante et joue le pianiste Jean Gagnon, l’apéro que nous sirotons dans la véranda en nombreuse compagnie. "Gens des médias, c’est votre tour…" aurait-on envie d’entonner. Nous participons en effet à un souper de presse. Juste avant que la faim ne triomphe de notre bonne humeur, nous passons à table dans une verrière annexée depuis peu à l’édifice: une brigade de serveurs nous attend de pied ferme pour nous initier à la toute nouvelle gastronomie du lieu. Cela commence par une "mise en bouche": petite aumônière de champignons et chèvre, lamelles de portobella, confiture de carottes et une asperge naine nouée lâchement pour faire joli. J’ignore comment on a réussi à rendre le portobella aussi acide – à la limite du tolérable -, mais ce sera la seule fausse note du repas. Les serveurs assurent pendant toute la soirée une ronde régulière pour nous proposer du pain aux cinq céréales, aux olives noires ou aux noix et du vin – Gentil Hugel 2001, Muscato di Pantelleria, Shiraz Bin 50 (2002), porto (Imperial Tanny Barros), Banuyls (Domaine de Valcros, hors d’âge)… Très bon, quoique sans surprise, un consommé de caribou aux pleurotes et à l’infusion de thym ouvre la voie à une préparation de homard aux fruits exotiques et gousse de vanille, décorée d’une fleur comestible, d’une touffe de cerfeuil et d’olives noires émiettées. Des morceaux d’avocat, de mangue et d’ananas se mêlent intimement à la chair du crustacé dont ils nuancent le goût sans le masquer. L’assaisonnement ne laisse rien à désirer; j’y aurais ajouté une pincée de sel rien que pour me convaincre qu’elle est de trop. En fait, il n’y a ni salière ni poivrière sur la table. "Le chef est vraiment sûr de lui", fais-je remarquer à mes voisins de table. Nous trinquons une nouvelle fois à… tout. À nous, aux baleines, au ciel, à Trois-Pistoles qui nous fait face et, surtout, au joyau qui s’en vient: le foie gras. On nous amène en effet, sous cloche, du foie gras aux figues rehaussé d’un jus de veau serré, accompagné d’une fine julienne de légumes et d’un petit bouquet de cresson de jardin (un peu piquant, naturellement)! C’est le seul plat que tous mangent en silence, ou presque, et que l’on commente ensuite à voix basse. On se refait les papilles d’un "granité aux pommes et airelles du Nord" avant d’attaquer le "cerf des Appalaches, jus truffé au thé du Labrador et légumes primeur". La viande est excellente, son goût soutenu; d’une incroyable tendreté, malgré sa texture dense. De la ciboulette frite, une tomate cerise, du romarin, des pâtissons nains, asperges, petits haricots français et courgettes composent la garniture dont on s’aide pour nuancer la saveur d’une sauce courte où perce une pointe d’acidité plutôt brute (qui m’a d’abord dérouté). Malgré tout l’entrain et toute la bonne humeur que nous avons mobilisés pour le retenir, le temps a passé. Il est près de 22 h. La faim ne fait plus partie de notre univers quand arrive le duo de fromages (mamirolle et Délice des Appalaches) dont je fais la connaissance distraitement, davantage intéressé par la tuile au romarin qui les accompagne. Cette pâtisserie ultra-légère me servira de dessert… Ainsi ai-je décidé. Mais c’était avant le "palais choco-praline" à la crème anglaise au café qui fond rien que sous le regard… et qu’on finit par prendre, d’abord en pitié, ensuite à la fourchette et à la cuiller.
Hôtel Tadoussac
165, rue du Bord-de-l’Eau
Tadoussac (Québec)
Téléphone: (418) 235-4421 ou 1 800 463-5250
Buffet: 29,95 $
Table gastronomique (menu "Découverte"): 49,95 $
Forfait hébergement et gastronomie pour deux personnes à partir de 250 $