Une visite s’imposait pour voir ce que le couple Perron, propriétaires du Matinal d’Aylmer, allait faire de cette institution au coeur du parc de la Gatineau. Étrangement, leur première mesure de changement fut l’abolition des petits-déjeuners, la spécialité de leur autre restaurant. Finis ces agréables matins paresseux passés à regarder doucement tomber la neige par les grandes vitres de la charmante maison campagnarde. Triste.
On a revu et corrigé le décor: murs aux couleurs sobres, linge de table taupe, comme le recouvrement des chaises au style classique. Exit les fleuris champêtres d’une époque nettement révolue. On a changé les couverts et la vaisselle pour faire un brin plus chic. Enfin, la carte aussi a subi un petit coup de renouveau. On a laissé tomber quelques ragoûts trop folkloriques pour se rabattre sur une carte plus recherchée.
Voulant faire le tour du menu, Nico y va d’une table d’hôte alors que je compose à la carte. Nous attaquons avec le même potage – l’autre option étant la soupe à l’oignon, un peu hors saison -: légumes tomatés, onctueux, peut-être un brin trop acide, mais surtout beaucoup moins relevé que ce qu’on nous l’avait annoncé. Il fait suivre d’un feuilleté d’escargot aux champignons plutôt décevant: si les escargots sont corrects et la sauce aux champignons pas trop mauvaise, tout cela repose sur un de ces gros vols-au-vent plats au sortir du congélateur et qui se gonfle d’un orgueil gras et mal placé quand on les met au four. Pas tout à fait ce qu’on a envie de retrouver au resto. De mon côté, j’attendais avec impatience mon pannequet aux épinards et ricotta, rêvant de ces petites crêpes farcies toute simples que j’ai souvent mangées chez les Italiens. Encore une déception: l’idée d’une pâte à crêpe à base d’épinards n’est pas mauvaise, tout comme celle de la farce de ricotta et épinards hachés, et même du coulis de poivron rouge, mais pourtant… c’est plat, fade, sans plaisir sinon celui des textures moelleuses.
Nicolas poursuit avec un médaillon de cerf et champignons. La cuisson de la viande est bonne, mais le tout est nappé d’une sauce brune d’un commun sans mesure. Les pauvres champignons, surtout les jolis flavulines au fin goût de noisette, tentent tant bien que mal de s’exprimer, mais c’est en vain. Pour ma part, un magret de canard un peu sec est accompagné d’un confit d’oignons à la moutarde de Meaux froid, de pommes de terre parisiennes crémeuses et d’une jardinière de légumes sans fantaisie (les mêmes accompagnements qui garnissaient l’assiette de mon ami).
Pour la finale, Nico tente de sauver les meubles avec une tarte aux trois fruits bien faite. C’est le seul moment où l’on se réjouit que, dans ce vent de changement, on n’ait pas touché au chef. Car, pour le reste, on aurait intérêt à se recycler un peu…
Bref, ce n’est pas à cette table, pourtant fort charmante et accueillante, qu’on passera notre été. Surtout quand on nous apporte une addition de près de 80$ pour deux, avant vin, taxes et pourboire. C’est payé cher pour une parade de déceptions. Triste, car le retour de Walter en réjouissait plus d’un…
L’Agaric
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