Si notre serveuse semble trouver tout à fait normal que l’on vienne manger à cette heure que plusieurs jugerait tardive, son regard trahit l’incrédulité quand on lui annonce que nous préférons l’intime terrasse à la salle bien climatisée. C’est que l’endroit jouit d’une des trop rares petites cours intérieures, isolée des bruits de la rue, havre de paix où poussent fines herbes et fleurs. Je jette tout de même un rapide coup d’oil à la salle qui a été redécorée cet hiver. Chaleur dans les teintes, sobriété dans les accessoires. Mais toujours ce foutu escalier qui vient gauchement diviser l’espace en deux…
La carte des vins est intéressante faisant la part belle aux vins des Amériques, tout en laissant une solide place aux vieux pays. Une bonne sélection de vin au verre pousse à toutes les aventures.
Le menu qu’on nous propose est coloré et tout à fait de saison. Grillades et abondance de légumes se déclinent à toutes les saveurs. Nicolas ouvre donc l’été avec une soupe froide au cantaloup et gingembre. Le mélange que je craignais un peu sucré est habilement équilibré par une généreuse dose de gingembre frais et bien relevé, un peu de menthe et une bonne rasade de vinaigre de riz. À la fois intense et combien rafraîchissant. Côté fraîcheur, mon gaspacho en salade ne laisse pas sa place. Concombre, poivrons et oignons rouges en dés sont posés sur un coulis de tomates goûteux relevé d’huile de basilique et citron. D’une simplicité désarmante et réjouissante.
Il fait suivre d’un filet de bar rayé, grillé et accompagné d’une salade de mangue et papaye aigre douce, de riz au lait de coco et de purée de haricots noirs. Il est tout à fait heureux: un poisson grillé à point, sans être sec, un riz bien parfumé, des saveurs qui se côtoient et se complètent habilement. De mon côté, un demi-poulet de Cornouailles mariné au sumac et à l’orange amère crée plus de remous. J’entame l’assiette appétissante où une petite colline de couscous au safran est encerclée de légumes cuits en tajine avec olives, gingembre, lime confite et cumin. Les légumes sont savoureux, le poulet tendre, le couscous… froid. Vérification auprès du service, assiette prestement renvoyée cuisines, verre de vin "de consolation", tout se fait avec professionnalisme et bonne humeur. Mais l’assiette qui revient est arrosée d’un coulis de tomate qui étouffe les fins parfums qui m’avaient charmés juste avant. Voilà brisé un équilibre qui frisait la perfection…
Les portions sont bonnes, mais savent laisser un peu de place aux desserts. Pour lui, ce sera donc une crème brûlée au ginseng et thé vert: équilibre parfait des texture avec un miroir craquant impeccable et une crème onctueuse et fraîche. Mais la saveur prononcée du sucre caramélisé écrase la subtilité de l’appareil au thé dont on ne distingue ni les tanins, ni le parfum. Pour ma part, des barquettes aux amandes et poires à la pâte sablée bien beurrée me réjouissent. Mais ce sont les truffes au piment chili qui les accompagnent qui me font craquer. Finesse d’un chocolat bien noir, croquant sous sa surface poudreuse et fondant en son centre qui, une fois liquéfié sur la langue, libère une chaleur sensuelle qui coule doucement dans la gorge. Pur plaisir.
Un copieux repas pour deux va chercher dans les 70$, avant vin, taxes et pourboire.
Black Cat Café
93, Murray
Ottawa
Tél.: 241-2999