Restos / Bars

Le Manoir Charlevoix : Tentations fortes

Dans cette vieille maison de 1901, les propriétaires actuels entendent perpétuer la tradition d’hospitalité de Charlevoix et l’on constate, au-delà de leurs bonnes intentions, un réel souci de chouchouter la clientèle… de l’accueil au  dessert.

Il y a là un peu de tout pour agrémenter un séjour touristique: bicyclettes, tennis, piscine extérieure et une vue panoramique englobant le Saint-Laurent et une partie de Cap-à-l’Aigle. Une galerie planchéiée de gris fait presque le tour de la maison tout en bois pour aboutir sur la grande terrasse arrière, surplombante et fleurie de jardinières. C’est là que nous entamons nos apéros – bière et pineau – avant que la pluie ne nous refoule à l’intérieur. Nous les terminons dans un petit salon, au bout du hall d’entrée, puis nous gagnons la salle à manger dont on a préservé le cachet rustique. Une dizaine de couples y soupent en silence. Un imposant foyer de pierre se dresse au milieu de la pièce et, au fond, une porte vitrée donne accès à une véranda meublée de quelques tables. La carte s’ouvre sur deux tables d’hôte – "que vous pouvez mélanger", précise notre serveur. Nous ne nous priverons donc pas de ce plaisir, qui commence naturellement par une analyse de la situation, comme disent les stratèges. La mousse de foie maison en petit pot de pain maison aux deux confits ou bien la dualité de saumon en chaud-froid sur lit de salsa? "Je choisis l’entrée qui m’émeut…" Mon amie me jette un regard oblique, fronce les sourcils et reporte son attention sur la carte. Elle ne met pas longtemps à résoudre mon semblant d’énigme, découvrant l’"embroché d’émeu de Saint-Urbain" parmi les petites tentations qui ont pour nom composition de légumes, nage de coquillages aux doux arômes safranés, terrine de lièvre et lapin, fausse quiche de crevettes et truite fumée dorée au suisse de Saint-Fidèle. En ce qui concerne les plats de résistance, je tourne (mentalement) le dos au… dos de saumon rôti, aux pâtes fraîches et effiloché de canard, au "truché" de sébaste. Restent pour moi les viandes, le gibier, la volaille: le porc biologique ou les aiguillettes de canard, l’entrecôte grillée ou le mignon de cerf, le veau en médaillon sinon le "chevauché de cailles farcies laquées au miel des Grands Jardins" -, oui, lui, certainement, malgré les frivolités de la mer qui visent mon point faible. Quand le serveur revient pour la nième fois s’enquérir de notre décision, nous sommes prêts. Le temps pour nous d’échanger quelques mots avec un couple voisin, on m’amène l’embroché d’émeu, en l’occurrence deux petites brochettes bien "viandues" accompagnées d’un salpicon de légumes frais (carottes et grains de maïs) et d’une matouille au migneron (parent proche et savoureux de l’aligot auvergnat et du tom-tom antillais). Séduit par la présentation, la corolle de pâte filo, le filet de pesto et les petites fleurs comestibles, je le suis tout autant par cette agréable combinaison de saveurs. La viande, saine et goûteuse, aurait toutefois gagné à être dressée plus chaude: elle me serait arrivée au moins tiède! Mon amie, elle, met un point d’honneur à ne rien laisser de son "étagé de pommes Granny-Smith et pétoncles aux saveurs multiples", également servi avec une traînée de pesto et corsé de vinaigre balsamique réduit. Ma fourchette dérape maladroitement jusqu’à un de ces mollusques, s’en empare et revient me le mettre en bouche. Un mariage de goûts fort réussi! J’aurais bien récidivé pour confirmer cette impression, mais la petite assiette ne peut déjà plus donner ce qu’elle n’a pas. Je me reprends bien, un peu plus tard, quand on sert à ma compagne un plat aussi audacieux que délectable: des linguine au canard confit (effiloché) et à la truite fumée. Audacieux, dis-je. Mais les papilles s’avouent moins déroutées que les yeux ou la raison: ces ingrédients s’harmonisent parfaitement en bouche et c’est, pour mon amie, le moment de passer du vin blanc au vin rouge. Tchin! Dans ma propre assiette, une caille en crapaudine semble affalée de paresse sur ce qui en constitue la farce et que je ne parviens pas à identifier. Je me laisse donc aller au plaisir sans chercher à comprendre ou à demander qu’on m’explique. À côté de quelques tranches de courgette jaune, trois fenouils nains, presque filiformes, trempent leur pied dans une sauce dont on apprécie le juste assaisonnement et une douceur peu prononcée. C’est également en douceur que nous terminons avec un "Spécial Chamard", une tulipe de crêpe dentelle garnie d’une glace à la vanille surmontant une génoise blanche, tout cela nappé de caramel chaud. Orgiaque!

Le Manoir Charlevoix
1030, chemin du Golf
La Malbaie (Québec)
Téléphone: (418) 665-4413 et 1 800 363-4413
Tables d’hôte: 24,95 $ et 32,95 $
Souper pour deux (incluant boissons, taxes et service): 98,16 $