La popularité des restaurants dits italiens ne se dément pas. Aux piliers qui tiennent la route depuis des lustres s’ajoutent périodiquement de petits nouveaux désireux de faire salle comble à leur tour. Chaque fois, cependant, se pose une question cruciale: de quoi parle-t-on, au juste? La cuisine italienne n’est-elle pas, à l’instar des cuisines indienne et chinoise, par exemple, fondamentalement régionale?
Voilà pourquoi il y a lieu de se réjouir de l’apparition de restos qui se branchent et annoncent d’emblée la couleur. D’où l’émotion ressentie à la nouvelle de l’ouverture, il y a quelques semaines, du Petit Toscan, sur une rue transversale, à deux pas de la grouillante avenue du Mont-Royal Est.
Ah, la Toscane! Combien de régions ont le don de faire naître des images aussi fortes dans la psyché des amants de la dolce vita (qu’ils aient ou non lu Frances Mayes) et de la bonne cuisine? Gageons que la Toscane arriverait parmi les premières, ex aequo avec la Provence.
Le petit Toscan est la quintessence du resto de quartier: façade discrète, pour ne pas dire anonyme, salle et cuisine toutes petites partageant un lieu exigu, mais chaleureux (voire surchauffé – vivement la climatisation!), grâce peut-être aux panneaux de bois très foncé qui recouvrent les murs. Devant, on a posé quelques tables et planté des fleurs.
Habilement, la maison a opté pour une carte courte au lieu d’un menu qui se lit comme le catalogue d’un grand magasin: mieux vaut, en effet, quelques plats maîtrisés qu’une multitude de déclinaisons interchangeables.
En entrée, on proposait ce soir-là une petite salade de homard. Une pince décortiquée et quelques morceaux de chair à point, accompagnés d’une petite salade de fenouil détaillé à la mandoline et bien citronné, sans oublier un peu de mayonnaise et un radis. Simple, frais, agréable, un brin chiche tout de même. La zuppa del giorno est peut-être plus fidèle à l’idée qu’on se fait de la cuisine toscane: une purée d’aubergine et de fenouil très "tomatée", onctueuse et texturée, au goût riche et prononcé. On retiendra surtout les fleurs de courgettes farcies d’un savant mélange: purée de pomme de terre et de fenouil relevée à l’ail avec des accents de piment et de vinaigre balsamique. Robuste et absolument délicieux.
Au menu, des pâtes, évidemment. On vous les propose en demi-portion et en portion complète, histoire d’accommoder la tradition du primo piatto et du secondo piatto. Personne ne vous en voudra d’en faire un repas, d’autant qu’elles sont simples et savoureuses. Les pennette au ragù de porc, al dente comme il se doit, surprennent au premier abord. La sauce tomate est courte, presque inexistante. Les pâtes, auxquelles se mêlent de petits morceaux de porc braisé et de champignons, sont cependant succulentes. Au même titre que les parpadelle, jolis rubans ayant l’avantage de retenir force pesto. Proposition on ne peut plus sympathique pour l’été. Côté viande, la maison tient le coup et même se surpasse. À preuve, ces cailles servies avec une ratatouille, une purée à base de céleri-rave et un petit jus de viande. L’exécution est irréprochable, le mariage, harmonieux en diable.
Évidemment, les âmes chagrines déploreront peut-être les prix, un peu élevés pour un resto de quartier. Quand on compare à ceux que pratiquent les restos italiens en général, on a vite fait de se consoler. Surtout que la carte des vins, courte elle aussi, mais réfléchie, ne vous fera pas nécessairement les poches. Ainsi, le sympathique Gascogne par Alain Brumont, offert à 22 $.
Le service, assuré par le patron, est affable et compétent. Ici, nul besoin de faire des pieds et des mains pour se faire expliquer les plats.
Que les accros du sucre ne craignent rien. Outre un gâteau à la courgette (on a de la suite dans les idées), la maison offre un gâteau au chocolat très dense, au bon goût prononcé, qui gagnerait à être un peu garni. On vous fait aussi le coup de la boule de la glace vanille déposée dans un espresso brûlant. "Chaud-froid" rigolo qui clôture bien le repas en vous permettant de faire d’une pierre deux coups. Endroit à suivre absolument.
Bémol: la petite fille armée d’un fusil à eau qui, du haut du balcon qui surplombe la terrasse, nous prend pour cible. Elle est si mignonne qu’on lui pardonne volontiers.
Dièse: une cuisine sérieuse qui ne se prend pas pour une autre; accueil et service sympathiques.
Entrées: de 3,75 $ à 9 $
Plats principaux: de 14 $ à 22 $
Desserts: de 3,50 $ à 6 $
4515, rue Marquette
(514) 523-7777