Ce petit resto qui fait face au parc Cartier-Brébeuf annonce "Cuisine médiévale – menu français – menu canadien". On est censé y trouver aussi un écomusée. La belle aventure qui semble s’annoncer! Il a ouvert ses portes le 2 avril 2003. Trois mois et demi plus tard – délai sans doute raisonnable pour qu’un nouvel établissement… s’établisse comme il faut -, nous lui rendons visite, mon invitée et moi, certains d’y vivre, ne serait-ce qu’un peu, l’aventure promise par sa publicité. La salle à manger, de dimensions modestes, ne s’embarrasse d’aucune recherche en ce qui concerne le décor: tons pâles de rose et de vert sur les murs ornés de tableaux signés Aurèle Bolduc et René d’Antoine (eh oui, l’ancien chanteur des Bel-Canto). L’"écomusée"? Disons qu’il en est encore aux balbutiements: dans un coin, divers objets – vieille caméra, vieux grille-pain, d’autres vieux objets et un bloc d’hématite – garnissent les tablettes d’une étagère; en deçà, de la porcelaine anglaise de 1856 sur une table habillée d’une nappe en dentelle. Avant d’entrer, nous avons pris le temps d’examiner la petite carte affichée sur la vitre: la première colonne énumère les plats médiévaux, de la patina de poisson aux tourtes (d’Espinoche, de Hongrie, etc.), en passant par le brouet soutenant, le brouet du juste, le pâté de Bonneval, la terrine de veau, le pâté de gésier… On nous avait laissé entendre que "certains mets" n’étaient disponibles que sur réservation; à l’intérieur, nous découvrons que c’est le cas pour tous. Je me convaincs aisément, et mon invitée aussi, que ce serait de toute façon une cuisine trop lourde pour le midi. Du côté français? Ce n’est plus l’heure des petits déjeuners – dont la tomate provençale, les crêpes Suzette et la galette de blé noir. La soupe au pot façon Henri IV? Le poulet au pot (sic) Henri IV? Non. J’opte pour le plat du jour, soit le poulet basquaise. Mon invitée zyeute un peu du côté canadien – boulettes de l’Ouest, pâtes et pizzas (!), quiche aux crevettes, fève à l’abénakise, agneau aux pruneaux, etc. Circonspecte à son tour, elle se rabat sur le menu casse-croûte – tout comme ce petit groupe d’infirmières installé derrière nous. Quand je m’enquiers des vins disponibles, celle qui nous sert et qui s’occupe aussi de la cuisine me jette un coup d’oeil étonné et me répond qu’il n’y en a pas, sauf quand on réserve une table d’hôte médiévale (bien que la carte en propose même au verre!). Son partenaire, qui aide un peu au service, nous assure l’instant d’après qu’il lui reste un petit fond de blanc (BourgRoyal), dont mon invitée prend un verre. Sur ce, on m’amène une soupe aux tomates assez délicieuse pour m’extirper un peu de ce burlesque et me réconcilier avec la vie. Quelques minutes plus tard, mon invitée accueille presque blasée son hot-chicken servi à peu près dans les règles, si l’on excepte le fait que la sauce est moins que tiède. On accepte de lui en rajouter de la chaude. Une généreuse portion de frites chaudes et croustillantes accompagne le plat. Mon poulet basquaise? De bon goût, mijoté comme il se doit, assaisonné sans l’excès d’acidité ou de piment qu’on retrouve parfois dans cette préparation. Les poivrons y manquent; de même que le jambon et d’autres petits ingrédients qui en auraient confirmé l’authenticité, mais, au point où nous en sommes, cela ne tire pas tellement à conséquence. Le riz est servi à côté (plutôt que dessous, comme cela se fait en général). Nous échangeons quelques commentaires à voix basse, mon invitée et moi, sur le caractère général de l’établissement, sur cette étrange impression de pompeux et d’improvisation qui s’en dégage. Nous lui faisons crédit de ce que nous ignorons encore: sa cuisine médiévale (peut-être excellente). Et de ce que l’on devine, tout de même: la bonne volonté (qui, hélas! ne suffit pas dans ce domaine). Comme dessert, j’ai droit à une mousse aux fraises très légère, mais trop sucrée. Au moment de partir, j’ai aussi droit à un reçu plutôt quelconque: aucun sceau, le nom du resto écrit à la main (essayez donc de refiler ça au ministère du Revenu!). Je sors de là groggy, moi qui n’ai bu que de l’eau.
La Dame du Parc
164, rue de l’Espinay
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 524-2929
Table d’hôte médiévale pour deux personnes: 65 $
Repas légers à partir de 6 $
Dîner pour deux (incluant boisson et taxes): 25 $