Dans ce décor chaleureux de miroirs et de boiseries, jamais une inquiétude ne m’effleure en ce qui concerne la table. Tout semble si simple quand le personnel vous "raconte" le moindre plat, comme s’il s’agissait d’une histoire, une de ces histoires dont on ne se lasse jamais. Ainsi, mon amie se renseigne, ce soir encore, sur le trio di pasta (spaghetti tomate et basilic, cannelloni gratiné, tortigliani aurora), les linguine alle vongole et les divers apprêts de veau, de boeuf ou de fruits de mer. Qu’a-t-elle mangé ici la dernière fois? Où, mieux que sur la carte, peut-on partir à la recherche d’un parfum, d’un nom oublié, d’un souvenir égaré? Elle se rappelle les raviolis frits alla romana, les medaglioni aux fruits de mer, les calmars frits ou à la sicilienne. Nous procédons ensemble au recensement, indifférents aux multiples conversations en français, en anglais et en italien qui se croisent dans la salle à manger bondée. Nous avons trinqué – Moretti et pineau. Et nous avons posé à différents serveurs toutes les questions possibles sur l’un ou l’autre apprêt, comme si nous retardions exprès le moment de passer notre commande. J’ai craqué le premier, évoquant pour ma défense la description salivante qu’on m’a faite de l’ "assiette de fruits de mer La Perla": moules, crevettes, calmars, pétoncles, langoustines, saumon. Quant aux différents apprêts, je les ai mémorisés pour me les décrire in petto au moment opportun. Je m’en frotte déjà les mains. En ce qui concerne mon amie, son choix s’est arrêté sur un plat de pasta – ne m’y attendais-je pas? Elle l’a demandé relevé, très relevé. Peut-être pour que je m’abstienne d’y goûter? "Mais non…" proteste-t-elle mollement en attrapant son verre de pineau. Deux ou trois gorgées plus tard, elle émet un soupir de satisfaction en accueillant un verre de vin blanc (chardonnay, Libaio 2001) escortant son entrée constituée d’une grande et brûlante assiette d’escargots au parmesan glacés au pernod. Tout autour de l’assiette, la chaleur a légèrement gratiné la sauce et le paprika dont on l’avait saupoudrée. Moelleux, les mollusques. Et gouleyante, la sauce, assaisonnée avec justesse. Le goût anisé y reste discret, mais bien présent. Après ce premier plat équitablement partagé, je retrouve intacte ma sérénité précédemment amochée par la faim. Puis c’est le moment du rouge, en l’occurrence un verre de vin sicilien (Corvo 2000) servi à mon amie pour annoncer l’arrivée imminente de ses penne all’arrabiata. Elles s’amènent, ces pasta, odorantes et brûlantes, un peu rougies de sauce tomate. Un délice, si j’en crois celle qui les mange, sourit plus souvent qu’à son tour, et lève de temps à autre son verre pour écluser à ma santé. Mon propre plat de résistance s’avère un régal pour la vue, pour l’odorat et pour le goût. En guise de garniture, une branche de romarin, un grand chip de taro, plus des poivrons rouges et verts accomodés à l’oignon. L’essentiel occupe toute la place. Ici, des rondelles de calmars à la sicilienne (sur pasta aux tomates fraîches et olives noires); là, des langoustines nappées de sauce nantua (mais au homard plutôt qu’aux écrevisses); là encore, des crevettes au pernod; au centre, des pétoncles (vin blanc, ail, crème et tomates fraîches); à côté d’eux, un filet de saumon au vinaigre de framboises et, pour finir, des moules à la provençale. Une certaine élégance se dégage de l’ensemble. On fait d’abord ce que j’appellerais le tour des saveurs, sagement, sans hâte aucune, ravi à chaque étape. Puis, on combine, on mélange, on saute d’un bord à l’autre, le charme croissant avec l’usage. Tout au fond de l’assiette, les diverses sauces se combinent en proportions variables; vous épongez cela avec un morceau de pain, et votre sourire s’accentue encore. Quelques bouchées de plus, ce serait une crampe du grand zygomatique. L’appétit s’épuise avant. Alors, pour ne pas freiner trop brusquement, on musarde encore un peu de la fourchette… Une dernière moule, une rondelle de calmar, un bout de crevette… Là, je n’en peux plus. Je décline même l’offre d’un digestif. Mon amie accepte un Grand-Marnier qu’elle sirotera en alternance avec son café. Les noms des desserts résonnent agréablement à nos oreilles: nous en prenons bonne note pour la prochaine fois.
Restaurant La Perla
1274, rue Chanoine-Morel
Sillery (Québec)
Téléphone: (418) 688-6060
Menu du midi: 10,95 à 15,95 $
Table d’hôte: 22,95 à 30,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 105,70 $