Restos / Bars

Le Pastel : Splendeur en bouche

Il a déjà fait, sans bruit, un petit bout de chemin: 10 mois d’existence. Je l’ai découvert sans vraiment le chercher. J’y suis entré sans illusions, c’est-à-dire que je n’ai assaisonné d’aucun optimisme le repas que j’y ai pris. Bilan: mon plus beau coup de coeur de cette année!

Dans ce quartier où j’ai pris pied à Québec – il y a plusieurs années -, les souvenirs me guettent à chaque coin de rue. Et combien de fois n’ai-je pas franchi le seuil de ce petit édifice qui fait coin! C’était alors la Boucherie JMB, l’une des rares épiceries-boucheries fines de Québec. Jambon de Bayonne, mortadelle (de la vraie), tripes à la mode de Caen, crème de marrons et autres victuailles… "Et c’est encore la bouffe qui t’amène ici", conclut mon amie à l’évocation de ces succulences. À cause de cette espèce de nostalgie, sans doute, je ne me hâte pas de jeter un oeil sur la carte ouverte devant moi. Mais, de l’autre côté de la table, on la psalmodie d’une voix basse: anchois frais marinés et poivrons rouges grillés, noisette d’agneau, médaillon de lotte au vin rouge, pétoncles poêlés à l’huile de langoustines, jarret de porc laqué, gambas au gros sel, méli-mélo de poissons et crustacés parfumés au pistou… J’aurais continué à faire la sourde oreille si celui qui nous a reçus n’était pas venu nous expliquer les plats. D’abord, tout est fait sur place – sauces, glaces, fonds, huiles de crustacés -, car on n’emploie ici ni poudre, ni "cubes", ni concentrés. Ah, la salivante description de ces anchois reçus frais de Montréal, travaillés sur place et accommodés selon une recette maison! Et ce jarret de porc chouchouté en cuisine! Et les coustellous, côtes levées que l’on fait cuire dans du gras de canard, qu’on égoutte et qu’on "achève" au four. Et les encornets farcis qu’on nous décrit avec un luxe de précisions qui vainc mes dernières résistances. Il faut dire aussi que le coup de grâce nous est donné par quatre petites tranches de boudin servies en amuse-gueule. Si le reste est à l’avenant, me dis-je, je craque, tu craques, nous craquons! Nous passons commande et reportons notre attention sur ce décor chic sans tape-à-l’oeil – murs d’un pêche soutenu, plafond jaune clair, puis quelques tableaux au mur, dont les vues laminées de Castelnaudary et du château de Villerouge-Termenès. Les tables, plus grandes que la moyenne, s’habillent de nappes bien pressées où ne subsiste pas un pli. Le temps pour nous d’achever nos apéros, nos entrées s’amènent. Imposante, ma "petite" salade de magret de canard séché au thym et gésiers tièdes au vinaigre de vieux vin. Au mesclun se mêlent aussi des pignons, des amandes effilées et une brunoise courte de carottes et de poivrons verts. Au-delà de ces saveurs savamment dosées, on est surtout frappé par la délicatesse des chairs et la subtilité de cette vinaigrette où rien ne pèse – ni le doux, ni l’acide, ni le poivré. Je trouvais le plat trop abondant; je regrette qu’il s’épuise si vite. À ce train-là, je finirais végé. "C’est un poème!" Cri du coeur, mais aussi une invitation à laquelle je ne me dérobe pas. La croûte de sa tarte aux tomates parfumées au pistou a la délicatesse et la légèreté d’une gaufre; quant à la garniture, c’est l’onctuosité d’un beurre aromatisé qu’on croit sentir fondre sur la langue. Sur fond sonore de chansons aznavouriennes, nous nous mettons à deux pour terminer cette petite merveille. Mais nos papilles devaient jubiler encore plus. Mon amie salue d’une bonne rasade de vin blanc l’arrivée de son plat de résistance. Il s’agit d’encornets farcis façon sétoise, c’est-à-dire d’une tendreté extrême, farcis de légumes judicieusement assaisonnés, longuement cuits au four et nappés d’une sauce brune, presque trop goûteuse, qui vous flanque un petit frisson furtif jusqu’à l’échine. Avec cela, dans un poêlon en fonte posé à côté, du riz basmati (trop al dente à mon goût) incrusté d’une grosse gousse d’ail en chemise et cuit dans un fumet de poisson avec quelques tranches de poivrons rouges et d’oignons. Ma propre assiette parachève le coup de foudre, si l’on peut dire: des tranches de filet de porc disposées en large éventail dans un coulis de foie gras et semées de morilles. J’en ai les papilles et tout le reste émerveillés. Comme garniture, une petite julienne de légumes prise entre deux fines tranches de pommes de terre rissolées. Si j’étais pieux, j’entamerais ici un cantique. C’est sans doute cela l’état de grâce, car même la pluie qui chagrine le paysage, dehors, me semble sympa. Pour nous permettre d’atterrir en douceur, une petite assiette d’écorces d’oranges confites accompagne la glace maison à la vanille.

Restaurant Le Pastel
1990, 18e Rue
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 663-9090
Menu du midi: 13,95 $
Table d’hôte: de 21,95 $ à 38,45 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 78,86 $