L’avenue Monkland est décidément en voie de se "gentrifier" à la vitesse grand V. En témoignent l’ouverture, coup sur coup, d’un nouveau représentant de la chic chaîne de restos japonais Mikado et, peut-être plus encore, de Tribeca Tapas & Martinis, à deux pas du métro Villa-Maria.
Sous une appellation un peu ronflante, qui emprunte à une double mode, sans oublier un quartier en vue de New York (il faut le faire!), se cache un établissement inclassable, ni bar ni resto, ou plutôt mi-bar, mi-resto, qui, vu l’affluence, a déjà trouvé son audience.
Commençons d’abord par démêler les choses. La maison ne sert pas de tapas. La précision figure d’ailleurs dans le long préambule au menu. On s’inspire plutôt de la tradition des tapas pour produire de petites assiettes (à mi-chemin entre une entrée et un plat principal) offertes en guise d’accompagnement aux consommations. Les petites assiettes en question vont dans toutes les directions, du satay au ceviche, et seraient, selon le menu, le "reflet des différentes cultures et personnalités que notre grande ville de Montréal représente".
(Pendant qu’on y est, ajoutons que la mention "Martinis" est elle aussi restrictive, sinon inexacte. Les cocktails proposés, dont au moins une margarita, ne se limitent heureusement pas aux seuls martinis. À moins qu’on n’utilise ce terme comme générique? Avouons toutefois qu’un établissement nommé "Tribeca Petites Assiettes & Cocktails" aurait nettement moins de gueule.)
Pour le reste, Tribeca a du style à revendre; ce que, chez les anglophones, on appelle une "attitude": décor soigné, façon lounge, bar invitant, éclairage tamisé, ambiance animée, terrasse un peu improvisée mais sympathique. On s’y sent, disons, dans le coup.
Une fois qu’il a arrêté son choix parmi les nombreux cocktails proposés, le convive fait face à un long menu. Se pose en outre l’épineuse question du nombre de plats à commander. Commencez par deux par personne (surtout si vous optez pour les plats plus costauds), et vous verrez s’il vous reste de la place.
La salade de pieuvre rôtie, pommes de terre nouvelles, poivrons rôtis et vinaigrette aux câpres, généreusement arrosée d’huile d’olive (seul clin d’oeil à l’Espagne ce soir-là), tenait haut la main ses promesses, le mollusque tendre et délicieux comme il se doit.
Le gravlax lime et tequila avec céleri-rave et vinaigrette à la moutarde, pour s’apprécier, devait être déconstruit: les fines tranches de saumon, où les parfums de lime et de tequila annoncés se faisaient discrets, fondaient dans la bouche. Quant à la salade de céleri-rave, rien à redire. Seul le mariage peu harmonieux des deux éléments dérangeait un peu.
Le tour du monde se poursuit avec le poulet tandoori: des cubes de poulet présentés en brochettes, bien tendres, mais au goût peu prononcé, accompagnés d’un raita (yogourt sucré et parfumé) et de triangles de pain nan commercial. On sert les calmars frits bien chauds (un bon point!) avec une sorte de ketchup maison très piquant; bon au goût, mais mortel pour le vin. Enfin, l’aubergine farcie à la sicilienne, avec pommes de terre, tomates séchées et sauce soubise, n’a rien de convaincant. On cherche en vain des traces de la chair du légume, qu’on a vidé pour le remplir de morceaux de pommes de terre un peu dures sous la dent. Les autres ingrédients sont trop effacés pour qu’on en parle.
Le service est à l’image de la maison: jeune, souriant et pressé! On fait malgré tout des efforts pour conférer un semblant de logique à une succession de plats hétéroclites, de même que pour les espacer convenablement. Interrogée sur le contenu de l’assiette de fruits, la serveuse répond qu’elle contient du melon et des raisins. Pour neuf beaux dollars, on a assurément droit à plus de détails. La crème brûlée maison est dense, presque lourde. Quant au gâteau au chocolat, correct, on le sert à l’ancienne, avec une cuillérée de crème fouettée. Finale, en somme, oubliable.
Mais pourquoi bouder son plaisir et ne pas profiter de Tribeca sans s’offrir l’aller-retour à New York?
Bémol: le beurre en petits "berlingots" de plastique, une terminologie un peu approximative, des saveurs parfois imprécises.
Dièse: une création d’atmosphère réussie, un choix de cocktails engageant, un menu éclectique.
Cocktails: de 7,50 $ à 9,50 $
Petites assiettes: de 6 $ à 13 $
Desserts: de 6 $ à 9 $
5557, avenue Monkland
Tél.: (514) 223-1411