D’abord l’endroit: tristounette petite maison sans âge, occupée d’un côté par des bureaux, et de l’autre, par les cuisines et la salle à manger du resto. À peine sept ou huit tables pouvant asseoir une quinzaine de personnes et une terrasse qui double le nombre. La salle aux murs nus s’anime grâce à l’activité d’un chef passionné. Car Bélair, c’est lui, Alain de son prénom, diplômé de la School of Culinary Arts de Stratford; des stages aux Troisgros, chez Toqué, l’ont finalement ramené à Ottawa, sa ville natale, où il a passé quelques temps au Benny’s bistro. Et voilà qu’à la fin juin 2002, il fait le grand plongeon.
L’accueil est chaleureux, sans chichi. Julia, serveuse on ne peut plus sympathique et attentive, nous apporte un menu simple, mais coloré: deux soupes, trois entrées et quatre plats. C’est tout et c’est bien assez. On voudrait tout goûter de ces plats vifs, frais, faits de légumes bios et de produits locaux. Voulant profiter des derniers moments de chaleur, nous nous attablons à la terrasse pour siroter un verre de rosé, Domaine des Jasses faugères 2001, tout en tartinant de brie triple crème chaud aux amandes et miel de petits crostinis. L’ensemble, s’il ne paie pas de mine, est divin. J’avoue sans honte avoir raclé le fond du petit ramequin sous les yeux perplexes de mon ami…
Nous faisons suivre, lui, d’un gaspacho onctueux et juste assez relevé; moi, d’une soupe aux carottes et fenouil tout en subtilité. Pour la suite, nous nous réfugions à l’intérieur où le plaisir continue. Claude y va d’un filet de truite rôti sur un sauté d’artichauts, pois mange-tout, pak choi, patates et tomates. Le tout est déposé sur un délicieux beurre blanc à la citronnelle. Le poisson est bien grillé, nullement sec, plutôt moelleux, alors que les légumes offrent fraîcheur et couleur. Il accompagne le tout d’un Chardonnay Lindemans Bin 65 2002, frais et correct. Dans mon assiette, le plaisir est tout aussi grand que dans la sienne. Un jarret d’agneau braisé se vautre sur un lit de poivrons doux fondants, tomates, oignons sautés, quartiers de pommes de terre et olives noires. Les saveurs sont franches, enivrantes. Un aïoli délicat nappe la viande, la relevant sans excès. Le plat réconforte en cette fin d’été fraîchissant. Et un Merlot Nottage Hill 2001 de Hardy’s, bien boisé, supporte bien les notes automnales du plat.
Bien que repus, nous ne saurons résister aux desserts. Lui, fidèle à ses amours, craque pour le croustillant parfait d’une crème brûlée à la vanille. Moi, je vis l’extase d’un moelleux au chocolat que j’ai peine à partager: chaud, saisi à l’extérieur, mais au coeur coulant. Je n’en avais mangé d’aussi bons depuis un certain jour… au Benny’s bistro. Comme quoi il y a de la constance dans le travail d’Alain Bélair.
L’addition n’est pas petite, mais on s’en acquitte sans trop de douleur, un sourire au coeur. Pour deux, un repas du soir très copieux se monte à quelques 75$ avant vin, taxes et pourboire. Qui sait si un jour on ne dira pas Bélair sur la Rivière comme on dit aujourd’hui Laurier sur Montcalm…
Bélair sur la Rivière
759, ch. Riverside
Wakefield
Tél.: 459-1445
Ouvert du jeudi au dimanche pour le lunch et le repas du soir (l’horaire changera peut-être à l’hiver; mieux vaut téléphoner).