Non, il ne s’agit pas ici d’un restaurant bulgare qu’on aurait astucieusement nommé d’après la capitale de l’État des Balkans dont la gastronomie demeure, hélas, méconnue. Pas facile, d’ailleurs, de dire à quelle enseigne se loge ce bel établissement hétéroclite, sinon, peut-être, à celle de la jeunesse.
La maison, à la limite de la section de la Main réputée pour ses restos et clubs branchés, où le privilège de se faire voir se monnaie à prix d’or, fait figure d’exception. Qu’on ne s’y méprenne pas: ici aussi on sent le souci du paraître et de bien jolies personnes s’attablent dans un décor qu’elles rehaussent de leur présence.
Frappent d’abord les dimensions: c’est très grand, impression qu’accentuent les murs tout en fenêtres sur deux côtés. Puis on prend la mesure de l’austérité, pour ne pas dire de la sévérité, des lieux (brun foncé, crème et orange), qui fait contraste avec l’impression de jeunesse ressentie dès l’entrée: menu dans l’air du temps, accueil souriant, musique disons actuelle, faute de mieux. (D’ailleurs, le site Web, dont la version française est promise pour bientôt, nous apprend que le resto, une fois les fours éteints, se transforme en club, avec DJ et tout le tremblement.)
Mais parlons plutôt cuisine. On a affaire à un menu bien conçu, d’où ressortent plusieurs entrées alléchantes, faisant la part belle aux pâtes et aux pizzas, mélange de valeurs sûres et de propositions un peu plus audacieuses (on note au passage une sauce rehaussée de chipotle, c’est-à-dire de jalapeno fumé) avec, à la clé, quelques plats de viande et de poisson. Traduction: on peut y manger sans casser sa tirelire.
Toujours dans le registre latino-américain, la maison propose des quesadillas de boeuf: deux tortillas au blé farcies de bavette marinée, de fromage, de pleurote (présence discrète) et d’oignons caramélisés, qu’on a bien marquées sur la grille. Découpés en triangles, les quesadillas s’accompagnent d’une petite salsa de tomates, d’une purée d’avocat, sorte de guacamole simplifié, et d’une mayonnaise un peu relevée. Et c’est bon, étonnamment bon même. Comme quoi on a parfois tort de chercher à tout prix des combinaisons inusitées.
Les légumes saisonniers rôtis, proposition on ne peut plus pertinente par temps chaud, se résument surtout, en l’occurrence, à des champignons (shiitake, portobello et pleurotes). S’y ajoutent, outre des rubans de poivrons rôtis, des olives, des câpres, un soupçon de fromage feta et une (!) gousse d’ail rôtie. La vinaigrette à la marjolaine, réduction de vinaigre balsamique, est sucrée et savoureuse. Détail curieux, le goût de l’herbe annoncée passe inaperçu. Seule ombre au tableau: la portion, pour 10,50 $, paraît un peu juste.
En plat, un saumon grillé, cuit à la demande, servi avec des topinambours (accompagnement trop rare sur nos tables), des asperges croquantes et des tomates cerise dans l’huile d’olive. Plat estival réfléchi et surtout réussi. Si vous arrivez à prononcer le mot, n’hésitez pas à commander les strozzapreti, sorte de macaroni ouvert et allongé (vous verrez bien!), accompagnés de tomates confites, de petits morceaux de poulet, de rapini et de feta. Mélange hétéroclite, certes, mais harmonieux.
Attentionnée, la serveuse connaît son menu. Soumise à un barrage de questions, elle ne perd jamais son sang-froid et n’hésite pas à aller se renseigner en cuisine. Rien, franchement, à redire.
Profitons, par ailleurs, de l’occasion pour déplorer la tendance qu’ont les restos à céder en sous-traitance la confection des desserts. Pourquoi négliger ce service? Il est difficile, parfois impossible, d’obtenir des renseignements sur la composition des douceurs. Non pas que ce soit toujours mauvais… La crème brûlée offerte par Sofia est tout à fait respectable, légère et ponctuée de petits grains de vanille, presque toujours un gage de qualité. Même remarque pour la torte cinq étages au chocolat, composition élégante et complexe, qu’on aurait intérêt à servir un peu moins froide.
Bref, une adresse fréquentable sur la Main, à condition de commander judicieusement et d’éviter les folies côté vin.
Bémol: le cadre, la cuisine et les prix ne justifieraient-ils pas autre chose que du beurre salé en "berlingot", une nappe et des serviettes en papier? Aucune bouteille à moins de trente dollars (avant les taxes et le pourboire).
Dièse: un cadre agréable, un service souriant, quelques idées originales et une cuisine soignée.
Entrées: 7,95 $ – 13,95 $
Plats principaux: 10,95 $ – 27,95 $
Desserts: 7 $
3600, boulevard Saint-Laurent
(514) 284-0092