À l’entrée, un tonneau debout, accueillant comme les tonneaux savent l’être. On pousse la porte parce qu’on a été attiré ici par la belle devanture donnant la salle de restaurant en spectacle. Et aussi parce que, de la rue, le décor est plutôt réussi. Et peut-être un peu aussi parce qu’il est difficile de résister au mot "Caves".
On sent que ces Caves St-Joseph ont été creusées par des gens sensibles à l’apparence des choses. Les nappes sont belles, la coutellerie aussi sans l’être trop; on se sent endimanchés par le cadre. En jetant un coup d’oeil sur le mur qui tient lieu de carte des vins – puisque toutes les bouteilles disponibles y sont présentées avec une étiquette de prix – on pressent qu’ils aiment aussi ce qui va au-delà de ces apparences. Plus tard dans la soirée, on constatera que c’était un pressentiment fondé. Au milieu de la salle sous une dalle transparente, on entrevoit les réserves en liquide, bien protégées et exposées. On se sent émoustillés avant même de sortir le tire-bouchon.
Comme les propriétaires annoncent des caves, parlons-en avant le reste; ça fait plaisir aux lecteurs oenologues ou amateurs de bonnes bouteilles, l’un n’allant pas nécessairement avec l’autre. La sélection de vins proposés est plutôt intéressante et a le grand mérite de respecter le portefeuille du petit client moyen. On n’a pas toujours un brun à jeter par la fenêtre pour étancher sa soif et accompagner dignement son repas. Quelques-unes des bouteilles trônant contre le mur sont facturées à peine plus cher que ce qu’elles coûtent chez le "pusher" officiel. Vous pourrez remercier les patrons de leur philanthropie et prendre un deuxième Hautes Côtes de Nuits.
L’accueil est très courtois, comme le sera le service tout au long de la soirée. Et généralement compétent, ce qui ne gâche rien, loin de là.
La carte est assez simple pour ne pas faire courir de risques inutiles aux gens en cuisine et suffisamment variée pour accommoder une clientèle avertie et pas portée uniquement sur le pinard, aussi bon soit-il.
Les recettes sont exécutées avec sagesse; c’est pas Ducasse mais c’est très honnête. Et, pour ce qui est du rapport qualité-prix, tout bien compté, vous êtes mieux ici qu’au Louis XV ou au Essex House.
Ce soir en hors-d’oeuvre, poireau vinaigrette et petite salade verte. Assez sympathique dans les deux cas. L’attrait du premier – servi al dente, ce qui, pour un poireau, est quand même merveilleux – était renforcé par de généreux copeaux de parmesan. Le goût solide du fromage vivifiait le plat et lui donnait une dimension plus gastronomique. Dans la salade, beau mesclun de feuilles craquantes et bien choisies, se trouvaient quelques brins de coriandre, intrigants à défaut d’être essentiels. On constate d’ailleurs dans plusieurs plats, cette tendance à vouloir marier des éléments que l’on associe rarement. Audace lumineuse parfois, faux-pas d’autres fois.
Ainsi, cette superbe daurade, cuite à la perfection et habillée d’une sauce légèrement citronnée était accompagnée, fort à propos, de poivrons rouges et, de manière plus douteuse, d’un émincé de concombre. Même si l’ensemble est agréable à l’oeil autant qu’à la fourchette, on reste un peu perplexe.
Tout appétissant qu’il ait été, saupoudré de chapelure et servi dans sa terrine de cuisson, le cassoulet eût gagné à rester moins longtemps au four; les lardons, cuisse de canard et autres saucisses étaient tendres et parfumés, mais les haricots avaient fondu et atteint l’état de purée, situation dramatique pour un cassoulet, qu’il soit de Toulouse, de Carcassonne, de Castelnaudary ou de Montréal.
Puis vient le plateau de fromages, Saint-Marcellin, tome champ doré et une émouvante vieille mimolette embaumant la noisette. Accompagnés de noix et d’abricots, les fromages formaient une très belle assiette.
Au moment du dessert, on s’ennuie un peu de Christophe Michalak, brillant chef pâtissier du Plaza-Athénée venu éblouir les foules lors du dernier Festival Montréal en Lumière, la tarte tatin des caves St-Joseph ne dépassant pas la mention acceptable dans la grille d’évaluation des tartes tatin.
L’appui de saint Joseph, patron des menuisiers, et de saint Vincent, patron des vignerons, joints à une vigilance accrue en cuisine permettra à ce simple endroit de devenir une adresse. Compte tenu des efforts louables déployés par les propriétaires et du bon goût qu’ils manifestent, on ne doute que les trois éléments se manifestent rapidement. Prions pour que ce soit dès les premiers jours de la saison 2003-2004 de l’Espace Go voisin.
Les Caves St-Joseph
4902, boulevard Saint-Laurent, tél.: (514) 842-1500
Ouvert de 17 h à 24 h du mardi au dimanche. Si vous êtes raisonnables, vous pourrez souper pour une cinquantaine de dollars pour deux personnes avant boissons, taxes et service. Sinon, doublez.