Quand je vous dis qu’on a refait le décor, c’est à grand frais. Oubliez les itérations précédentes de ce grand espace faisant le coin des rues By et York. On a enfin pleinement misé sur la fenestration abondante qui permet de bien voir… et d’être très bien vu. Bois rougeoyant, miroirs qui donnent de la profondeur, nappes blanches et chaises confortables. Un petit air bistro chic qui ne déplaît pas.
Mais… Si le décor nous a, l’espace d’un moment, transporté sur l’autre continent, le service, lui, nous ramène très vite à la maison. Elles sont très/trop sexy; ils sont tout juste compétents. Les assiettes à pain du mauvais côté, une ignorance complète des mariages vins – mets, une familiarité qui tranche désagréablement avec le léché de l’endroit.
Alors, poursuivons sans trop se laisser distraire. Leah, reine du poisson cru et autres sushis, ne fut introduite que tout récemment à la version carnivore de la chose: le carpaccio. Elle sautera donc sur l’occasion d’en partager un avec moi. Six fines tranches d’un filet de boeuf roulé dans le poivre et rapidement saisi en surface sont élégamment présentées, avec câpres, mayonnaise à la moutarde de Meaux, montagnes de petites rondelles d’échalotes frites et légère touche d’huile de truffe. C’est plutôt réussi. Et que dire du moelleux pain aux olives dont on se servira pour nettoyer l’assiette avec application!
La suite est moins joyeuse. Si je parlais plus tôt de bistro, je devrais préciser que l’on erre un peu entre le zinc à la française, la petite trattoria de quartier, le steakhouse et le dîner américain. C’est du moins ce que nous offre le menu: pâtes, steak frites, club sandwich, moules et burger côtoient bouillabaisse et osso buco. On ratisse large! Dans l’esprit de ses origines japonisantes, Leah ira donc d’une belle pièce de thon saignant assez réussie, accompagnée d’un caviar d’aubergine, de légumes un brin trop al dente et d’un gâteau de risotto bien safrané. Elle est plutôt contente de l’ensemble, bien qu’on y cherche un petit quelque chose pour relever le tout. J’ai plus de mal à avaler le contenu de mon assiette. En ce soir de quasi tempête tropicale – Isabel se meurt… – je me laisse tenter par un osso buco, plat combien réconfortant lorsqu’il est bien fait. Un risotto crémeux et quelques trop rares feuilles de bébés épinards reçoivent deux grosses tranches de jarret de veau… sèches à faire pleurer. On aurait sur-réchauffé le tout au micro-ondes qu’on n’aurait pas plus mal fait. Gremolata et Amarone n’arriveront à rien sauver.
Déçue, je me rabats sur un New York cheesecake bien fait et gentiment décoré de très fines tranches de fruits séchés. Un déca correct vient ajouter la touche finale.
On se dit qu’on aurait peut-être mieux fait de suivre l’exemple de nos voisins de table, et d’y aller d’un généreux club sandwich, servi avec abondance de frites allumettes! L’addition aurait au moins eu l’avantage d’être moins salée. Il faut compter un généreux 85$, avant vin, taxes et pourboire pour un repas complet pour deux. On offre aussi des table d’hôte de 4 services pour 48$.
Luxe Bistro
47, rue York
Ottawa
Tél.: 241-8805
www.luxebistro.com