Vous aimez la cuisine italienne, mais votre enthousiasme se refroidit un peu à la pensée de pâtes à la sauce tomate ou au pesto tarifées à prix d’or, de risottos qui ne sont que de vulgaires riz au bouillon, et qu’on vous vend 20 dollars et des poussières, davantage si on a eu la bonté d’y ajouter quelques malheureux champignons dits "sauvages"?
Y a-t-il encore, à Montréal, des endroits où le Québécois gourmand peut assouvir sa passion du "spaghetti italien", dont on dit parfois qu’il est, avec le pâté chinois, notre plat national?
Oui, il en reste quelques-uns, et même, surprise, à Outremont! Secret bien gardé? Détrompez-vous. En soirée, l’affluence prouve hors de tout doute que les résidants du quartier, qui ne peuvent quand même pas tous être dans l’erreur, ont trouvé chez Eduardo une formule satisfaisante à la fois pour leurs papilles gustatives et leur portefeuille.
L’entrée est discrète, surtout depuis qu’on a fermé l’épicerie fine qui occupait naguère le rez-de-chaussée. En fait, on ne s’attend pas à découvrir, au bout de l’escalier, un établissement de taille plus que respectable s’étendant sur deux étages. Le décor, mi-bourgeois, mi-rustique, joue à fond la carte de l’Italie version montréalaise: murs de brique, bois blond, plantes vertes, jusqu’à une reproduction de la Joconde. Notons toutefois l’ample baie vitrée de façade qui, en journée, baigne les lieux d’une belle lumière.
À midi, on propose une formule salade ou potage, plat et café filtre à partir de 7,95 $. Des messieurs bien sous tous rapports, seuls ou en petits groupes, s’attablent devant leurs spaghettis et sirotent un petit verre de vin. Bien qu’un peu trop salé, le potage aux épinards offert ce midi-là, crémeux à souhait grâce à la présence de pommes de terre, disposait bien à la suite: un filet de sole en sauce putanesca, donc relevé de morceaux d’olives, de câpres et de rondelles d’oignon vert. La chair du poisson, servi bien chaud, était ferme mais pas sèche, la sauce tomate goûteuse, les linguinis à la crème qui l’accompagnaient irréprochables, le café correct. Les dommages? 9,95 $ avant les taxes et le pourboire.
En soirée, on propose une table d’hôte à peine un peu plus chère ou une carte elle aussi abordable. Du côté des entrées, un classique parmi les classiques, autrefois omniprésent, et pas seulement chez les Italiens: la fondue parmesan – croûte légère, intérieur fondant au goût assez neutre – accompagnée d’une petite salade. Véritable flash-back. Dans l’assiette d’antipasti, on retrouve les suspects habituels – capicollo, salami, champignons marinés, olives, une fine tranche de prosciutto enroulée autour d’un quartier de cantaloup à point. Les calmars frits, si répandus de nos jours qu’ils constituent une sorte de plat baromètre, obtiennent la note de passage: la friture, légère, s’efface comme il se doit derrière le goût des mollusques, mais on les aurait voulus plus chauds et croustillants. La trempette aux tomates, légèrement relevée, nous change des concoctions à la mayonnaise inutilement lourdes.
Corrects, les spaghettis à la bolognaise et ceux au pesto auraient fait meilleure figure si les pâtes avaient été un peu moins cuites. La cuisson des linguini tutto mare (appellation un peu ronflante pour des pâtes servies avec des petits pétoncles de baie et des crevettes, sans les palourdes et les pinces de crabe annoncées sur la carte) était mieux réussie. L’escalope siracusana, de généreuses tranches de veau dans une sauce qui rappelle la putanesca avec, en plus, des aubergines, tient ses promesses. On l’accompagne de brocolis, de navets et de carottes vapeur (auxquels vous pouvez préférer les pâtes).
Sans vices ni vertus, les desserts, faits à l’extérieur, n’ajoutent pas grand-chose. Le cappuccino est bon, mais on ne devrait pas le parfumer à la cannelle sans avoir obtenu le consentement écrit du client!
Quant au service, il est dans la note voulue: aimable et attentif, surtout lorsqu’il n’y a pas encore foule.
Le meilleur, on vous le gardait pour la fin. Ce resto, tout compte fait fort sympathique, vous permet d’apporter votre vin! Vous avez oublié votre bouteille? Passez à la succursale Laurier de la SAQ, nouvellement rénovée et agrandie. C’est à deux pas.
Bémol: quelques cuissons approximatives, le bruit en soirée, la fumée qui descend de l’étage des fumeurs.
Dièse: des prix et des exécutions honnêtes, un service souriant, la possibilité d’apporter son chianti.
En soirée, comptez de 40 à 50 dollars pour deux, taxes et pourboire compris.
1014, avenue Laurier Ouest
948-1826
Autre adresse:
404, avenue Duluth Est
843-3330